Bien Chers Jubilaires,
Mesdames, Messieurs,
Vous accueillir ici, ce matin, pour le Maire que je suis comme pour chaque membre du Conseil municipal, c’est beaucoup d’émotion. Beaucoup d’affection et de respect aussi, pour vous, pour vos vies, pour ces histoires d’amour à qui, par toutes ces années passées ensemble, vous avez donné vie et sens.
Car on a beau écrire ou parler d’amour, l’amour n’est rien s’il ne s’incarne pas en deux êtres qui se rencontrent, ressentent, expriment et vivent leur amour. Et vous, vous êtes chacune avec votre chacun cette incarnation de l’amour partagé.
L’émotion est aussi chez vous, je le sais. D’abord, celle du jour, un jour de fête que l’on se prépare, cherchant jusqu’à la dernière minute la chemise ou la cravate qu’on avait pourtant préparée là mais qui n’y est plus, ou le sac ou les chaussures assortis à la robe et qu’on ne trouve plus, tout cela dans l’excitation de l’heure qui passe… Un jour où famille, enfants, amis vous entoureront ou vous enverront des messages affectueux.
Votre émotion, je la comprends. Car tous ces jubilaires, toutes ces années que nous célébrons avec vous, pour vous ce matin, n’ont pas toujours été faciles : des obstacles, des contrariétés, des souffrances, des peines, vous en avez subi évidemment, et vous les avez affrontées ensemble et votre amour a chaque fois l’a emporté. Mais si vous êtes là ici, encore ensemble, c’est que des joies, des plaisirs, des bonheurs, vous en avez connu aussi et surtout : dans ces moments forts, vous avez trouvé l’énergie, la force de dépasser tous les problèmes, toutes les difficultés et cette énergie porte un prénom, le sien, à lui, à elle : c’est pour lui, pour elle que vous vous êtes battus ; c’est avec lui, avec elle que vous avez avancé. Et les années ont passé comme les chapitres d’un livre dont vous écrivez chaque jour la belle histoire.
Mesdames et Messieurs, Chers Jubilaires, vous êtes le témoignage vivant de cette belle, si belle phrase du fabuliste Jean de La Fontaine qui écrivit : « Aimer, aimer tout le reste n’est rien ! »
Devant nous, devant moi, vous nous le prouvez, car vous totalisez toutes et tous 1 380 années d’amour : avec 19 couples fêtent leurs 50 ans de mariage, 6 couples fêtant leurs 60 ans de mariage et 1 couple fêtant ses 70 ans de mariage, un évènement tout à fait exceptionnel, grâce à Denise et Jules Parent ! Pour votre Maire et votre Conseil municipal, croyez-le bien c’est un honneur de vous recevoir. La longévité de votre amour force le respect et l’admiration.
Alors, ceux qui sont déjà venus à cette cérémonie le savent, nous allons regarder ensemble dans le rétroviseur de votre vie à deux.
En effet, pour évoquer le film de votre vie, je vous propose de remonter le temps et de revenir à l’année de vos unions respectives, de nous remémorer le monde d’alors, ce qui se passait sur le plan international, en France, et bien évidemment à Wattrelos si vous y résidiez, et en évoquant aussi et surtout des mots, des mélodies qui sont ceux et celles de vos jeunes années.
● D’abord, 1953. 1953, l’année de votre mariage, Denise et Jules que je suis infiniment heureux de recevoir ce matin pour, Mesdames et Messieurs, leurs 70 ans de mariage. Denise et Jules, j’ai eu le plaisir de vous accueillir en 2018 pour vos 65 ans, 2013 pour vos 60 ans, et 2003 pour vos 50 ans de mariage ! Je vous retrouve avec beaucoup, beaucoup d’émotion, d’abord parce que 70 ans d’amour, c’est plus que beau, c’est magnifique ! Et mon émotion se renforce d’autant plus que si vous vous êtes mariés en Juin, s’ils étaient encore près de moi j’aurais pu, j’aurais dû recevoir ce matin mes parents qui, eux, s’étaient mariés en Août 1953 !
Alors chapeau bas, infiniment bas, Denise et Jules !
Je vous ai déjà parlé de 1953, de vos chansons de l’époque, et je suis sûr que vous n’avez rien oublié de ce que je vous ai alors dit. Pour autant je vais y revenir rapidement.
En 1953, la fin de la 2nde Guerre mondiale n’est pas si loin, la Guerre froide rôde, et le monde a encore des soubresauts. Eisenhower devient Président des Etats-Unis, Tito de la Yougoslavie, et Staline meurt, remplacé par Kroutchev à Moscou. Les époux Rosenberg sont exécutés, et un gros soulèvement ouvrier a lieu à Berlin-Est, réprimé durement, avec 1 200 condamnations.
Si les troupes françaises quittent le Laos, la guerre s’enfonce en Indochine et les paras sont à Dien-Bien-Phu. René Coty devient Président de la République.
Les jeunes amoureux se tournent la tête avec le mariage princier au Luxembourg. Curiosité de l’histoire, Denise et Jules, 1953 aura été l’année du couronnement d’Elisabeth II, et vous célébrez vos 70 ans de mariage à quelques jours du couronnement de son fils, Charles III !
Dans notre région, on est cependant alors surtout marqués par les grandes inondations en Hollande et en Belgique, pour lesquelles 100 000 personnes devront être évacuées. Mais aussi, autre curiosité historique, par la grève générale en France en août 1953 pour refuser l’augmentation de l’âge de la retraite décidée par le Gouvernement Laniel, et la hausse du prix du gaz !
Côté sport, Louison Bobet gagne le Tour de France, Fausto Coppi est Champion du monde, et un jeune de 19 ans, Jacques Anquetil, gagne le Grand Prix des Nations.
Au cinéma, si on tremble avec « Le salaire de la peur » avec Yves Montand, on goute volontiers la légèreté de « Si Versailles m’était conté » et de « Les hommes préfèrent les blondes ».
A Wattrelos, en 1953, l’actualité est surtout politique. L’ancien maire François Mériaux décède, mais ce sont les élections municipales qui sont la grande surprise : alors que les communistes ont plus de voix que les socialistes, lors de la réunion d’installation, c’est le maire socialiste Albert Dhondt qui est réélu par le Conseil municipal ; il y aurait eu ce soir-là me dit-on une ambiance très musclée à l’Hôtel de ville !
Wattrelos est marquée par une grosse explosion de gaz rue Jules Guesde, un gros incendie chez Sion au Sapin Vert, et les Wattrelosiens se mobilisent pour les victimes des inondations en Hollande. Le quartier du Sapin Vert, qualifié de « déshérité et éloigné » n’a plus de facteur, et proteste.
La jeunesse, en 1953, profite de l’insouciance de son âge, à l’image du film « Singing in the rain » : « Chantons sous la pluie » symbolise bien cette envie de bonheur. On chante, on mange les « bonbons, caramels, esquimaux, chocolats » d’Annie Cordy, on « attend que les dimanches s’amènent » pour aller danser avec Roger Pierre et Jean-Marc Thibault chez Gégène : où ça ? Bien sûr, à « Joinville-le Pont »… pon, pon : On s’acoquine avec des musiques américaines telle celle de Glenn Miller « In the mood ».
Chère Denise, Georges Brassens vous prévient : « Gare au Gorille ». Et on vous invite à vous méfier de ces messieurs, que ce soit Patachou avec « le bricoleur », ou Edith Piaf. « Johnny, tu n’es pas un ange ». Mais ça tombe bien, celui qui vient à vous s’appelle Jules, et, avec la roubaisienne Gaby Verlor et le lillois Jan Davril, voilà qu’il vous dit : « Prenez mon cœur et mes roses/Un bouquet c’est peu de choses/Mais ça peut être la cause/La cause d’un grand bonheur »…
Ah oui, tiens donc, et voilà qu’il vous raconte une histoire d’Henri Salvador « Le loup, la biche et le chevalier » :
« La petite biche est aux abois/Dans le bois, se cache le loup/
Mais le brave chevalier passa/Il prit la biche dans ses bras/
La biche en femme se changea/Et dans les bras du beau chevalier/
Belle princesse, elle est restée »
Et ce fut une « chanson douce » pour vous deux.
Et si Jules, avec Sydney Bechet chantonne « J’ai caché/Mieux que partout ailleurs/Au jardin de mon cœur/Une petite fleur », vous, Denise, c’est avec Lucienne Delyle qu’à vos amies vous dites « J’ai un amoureux/Qui me fait les doux yeux/Ça marche, ça marche » ! Mais, en chuchotant presque, vous ajoutez avec Germaine Monteiro, telle sa « fille de Londres » :
« Un rat est entré dans ma chambre
Je l’ai pris dans mes bras blancs
Il était chaud comme un enfant
Je l’ai bercé bien tendrement »…
C’est qu’il sait y faire Jules, lui qui vous offre à son tour « Un p’tit coin de paradis » après « un p’tit coin de parapluie », et vous joue « Les amoureux du Havre », de Catherine Sauvage : « Je t’aime, tu m’aimes, on s’aimera jusqu’à la fin du monde », et vous susurre, avec Tino Rossi dans son Tango bleu « Donne-moi ton cœur, donne-moi ta vie ».
Pas étonnant que vous soyiez de ces « amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics/En s’disant des je t’aime pathétiques » avec « des petites gueules bien sympathiques »… Pas besoin que Georges Brassens vous explique comment faire !
Et c’est comme ça que, chemin faisant, comme dans « Sanguine » d’Yves Montand, « une fermeture éclair a glissé sur tes reins », et que Gilbert Bécaud vous guide dans une chanson qui s’appelle « Mes mains » :
« Mes mains dessinent dans le soir la forme d’un espoir qui ressemble à ton corps/
Mes mains quand elles tremblent de fièvre, c’est de nos amours brèves qu’elles se souviennent encore/
Mes mains caressent dans leurs doigts des riens venant de toi, cherchant un peu de joie ».
A dire vrai, Cher Jules, de la joie vos mains en ont trouvé, et pas qu’un peu, puisque cela dure depuis bientôt 70 ans !!! 70 ans : très Bel anniversaire Denise et Jules pour ces extraordinaires et si heureuses Noces de platine !
● Dix ans plus tard, c’est votre année à vous, 1963, vous les couples qui célébrez cette année vos Noces de diamant ! Joâo et Luisa, Gilbert et Liliane, Robert et Lucette, Jean et Marie-Agnès, Daniel et Christiane, Daniel et Annie, 60 années de mariage ! C’est beau !
Pourtant, même si on dit quand on en parle aujourd’hui que 1963 ouvre les « années yéyé », il n’est pas certain que vous, les amoureux d’alors, vous l’ayiez vécue avec autant de sérénité. Car 1963 fut une année de fortes tensions à l’international comme en France.
Dans le monde, même si un « téléphone rouge » est installé entre Washington et Moscou, les relations entre l’Est et l’Ouest sont tendues. A Moscou, l’ennemi juré des américains, Fidel Castro, reçoit le Titre de Héros de l’Union Soviétique, et le Président Kennedy LUI va sur le Mur, à Berlin, au check-point Charly, provoquant la colère des soviétiques.
L’Angleterre est bousculée par le scandale Profumo du nom de son Ministre des Armées qui livre des secrets à une espionne prostituée, mais surtout Outre-Manche on est ébahi de l’audace du hold-up du siècle dans le train Glasgow-Londres. En Allemagne alors qu’il a signé en janvier avec le Général de Gaulle le Traité de l’Elysée qui scelle l’amitié franco-allemande, le chancelier Konrad Adenauer démissionne, et en Algérie Ahmed Ben Bella devient le 1er Président de la République.
Mais surtout ce que nul n’a oublié de cette année-là, et qui secoue le monde, c’est l’assassinat le 22 novembre à Dallas du Président américain John Fitzgerald Kennedy.
Des attentats, il y en a aussi beaucoup en France, et ainsi le 11 mars est fusillé l’auteur de l’attentat du Petit-Clamart contre le Général de Gaulle. De nombreuses grèves en France en 1963, et un vigoureux plan de rigueur est présenté en septembre par le Ministre de l’économie, Valéry Giscard d’Estaing. Parallèlement la France affirme ses ambitions nucléaires, et s’oppose à l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Europe des 6.
On retiendra aussi de l’année 1963 que c’est celle de la mort du Pape Jean XXIII, et de l’élection du Pape Paul VI, ainsi que celle de la disparition, le même jour, d’Edith Piaf et de Jean Cocteau.
A la télévision, ce sont les premières des « Raisins verts » de Jean-Christophe Averty, mais surtout de « Nounours » qui endort chaque soir les petits, et de « Thierry la Fronde » qui lutte sans relâche contre l’envahisseur anglais pour le plus grand plaisir des téléspectateurs.
Au cinéma, Mesdames, vous êtes tantôt « Irma la douce », tantôt la sublime Elisabeth Taylor de « Cléopâtre », et vous Messieurs tantôt Richard Burton qui lui donne la réplique, tantôt Alain Delon dans « le Guépard » ; mais tous deux raffolez de vous promener sous « les parapluies de Cherbourg », riez de « la Cuisine au Beurre », frémissez du « Mépris » avec la belle Brigitte Bardot, et vous captivez pour « les Tontons flingueurs » !
A Wattrelos, très vive vague de froid début janvier : des deux côtés de la frontière avec la Belgique, ce n’est qu’une gigantesque patinoire ; et encore un record de froid en juin ! Gros incendie chez Sarneige, et grève chez Kuhlmann ; installation d’une bibliothèque municipale au 3ème étage de la mairie (avec 9000 volumes : par comparaison ils sont 150 000 dans la bibliothèque d’aujourd’hui !). Mais ce qu’on retient, Chère Michèle Coquelle, ce sont les importants sondages que réalise alors la Société Nationale des pétroles d’Aquitaine près de l’école des garçons du Plouys à la recherche… du pétrole ! Le Plouys a failli devenir le far-west wattrelosien !!!
A dire vrai, chers amoureux de 1963, je ne suis pas certain que vous vous soyiez intéressés à tout cela. Vous, votre problème de jeune homme ou de jeune femme ce n’est pas de trouver de l’or noir, mais de trouver votre trésor.
C’est l’époque de « Salut les copains », Sheila vous confirme que « l’école est finie », et vous suggère votre « Première surprise-partie » !
Oui, mais vous vous interrogez : on parle beaucoup de ruptures dans les chansons du moment. « T’en vas pas comme ça », pour Nancy Holloway, « Arrête, arrête ne me touche pas », pour Patricia Carli,… il n’y a que Charles Aznavour qui porte une lueur d’espoir car s’il dit « sans un regret, je partirai », il ajoute « Et pourtant, pourtant, je n’aime que toi ! ».
L’amour, l’amour, c’est donc possible ? Mais Messieurs comment faire ?
Jean-François Grandin, alias Franck Alamo, vous donne un numéro de téléphone, « Maillot 36-37 », et vous n’avez qu’à dire « J’aimerai ce soir vous emmener danser », et vous verrez que votre « biche » saura « dessiner au crayon noir ses jolis yeux ». Claude François dans « Si tu veux être heureux » vous donne « une leçon de bonheur, après tout » :
« Pour le reste de ta vie
N’épouse jamais une trop jolie fille
Ecoute bien le conseil d’un ami
Epouse plutôt une fille gentille ».
Muni d’un tel conseil vous partez en quête, à coup de « Da dou ron-ron » de Johnny : « Oui, peut-être demain/Oui adieu mes chagrins/Oui j’aimerai sans fin »…
Alors vous la croisez, et comme le chante Alain Barrière « Elle était si jolie »… que vous n’osiez l’aimer : Vous la suppliez, comme Richard Anthony, « Donne-moi ma chance » ! Comment faire ? Une méthode : « Tchin-tchin », toujours avec Richard Anthony, un verre, deux verres, peut-être le « tord-boyaux » de Pierre Perret au resto dont le patron s’appelle Bruno, et avec Marie Laforêt, vous lui proposez de faire ensemble « les vendanges de l’amour » !
Comment ça s’est passé après ? Aujourd’hui encore vous fredonnez la chanson de Jeanne Moreau « J’ai la mémoire qui flanche » qui avoue « Tout entre nous a commencé/Par un très long baiser ». Il est vrai, Mesdames, qu’Elvis Presley vous invitait à l’action « Kiss me quick ! »
Cela ne vous empêche pas , Mesdames, avec Brigitte Bardot de rappeler à votre amoureux qu’il n’est « qu’un appareil à sou », à « sou-pirs », et à « sou-rires » bien entendu !
C’est que, ça y est, l’un et l’autre allez à l’Hôtel de ville : en route pour « la Belle Vie » de Sacha Distel.
Et pour elle qui n’est pas « une pauvre petite fille riche », Messieurs vous empruntez « le marteau » de Claude François pour construire votre nid d’amour… Avant que Mesdames vous ne découvriez les charmes de cette vie conjugale qui est dorénavant la vôtre lorsque, dès son premier bain, tel Fernand Raynaud, il vous clame « Et v’lan, passe-moi l’éponge », avant d’ajouter, prometteur, « fais-moi gligli »…
Et c’est ainsi que de gligli en gouzi vous aurez vécu, fondé une famille, élevé enfants et petits-enfants, et que 60 ans plus tard, vous êtes là émus, comme au 1er jour.
Bien sûr, les années ont passé, et vous ne faites plus de « Be-bop à lulla » trépidents, sauf sous surveillance médicale, mais tous ceux qui vous aiment, et j’en suis, vous félicitent, vous nos 6 couples de diamant ! Très Bon Anniversaire.
● 1973 : l’année s’ouvre par l’entrée officielle le 1er janvier de la Grande-Bretagne dans ce qu’on appelle alors le Marché Commun.
Sur le plan international, si en 1973 janvier donne une note d’optimisme avec, enfin, le 27 janvier la signature à Paris d’un cessez-le-feu entre les Etats-Unis et le Vietnam du Nord, le monde sera secoué de trois faits marquants :
- d’abord, en avril, par le déclenchement aux Etats-Unis de l’affaire du Watergate, qui va mettre à mal la Présidence de Richard Nixon, pourtant récemment réélu à l’automne 1972 ;
- ensuite en septembre, le meurtre contre la démocratie qu’est le putsch au Chili du Général Pinochet qui coutera la vie au Président Salvador Allende ;
- enfin, en octobre, le déclenchement par l’Egypte et la Syrie d’une offensive contre Israël pendant la fête du Kippour, remettant en cause et pour longtemps tout processus de paix au Moyen-Orient.
En décembre se produit un autre évènement qui va bousculer le monde pour longtemps également : le 22 décembre à Téhéran les pays de l’OPEP décident de doubler le prix du baril de pétrole ; cela va déclencher le « choc pétrolier » que toutes les économies européennes vont payer cher en inflation et en chômage pendant plus de 30 ans ! Des pays s’inquiètent, telle la Grande-Bretagne qui décrète l’état d’urgence, et la Belgique qui décide en novembre « le dimanche sans voiture ».
Autres news de l’année : les morts de Lyndon Johnson, ancien Président américain, de l’acteur Bruce Lee, et de Pablo Picasso. En Bolivie, le tortionnaire nazi Klaus Barbie est arrêté. Le monde se passionne pour la révolte des indiens Sioux à Wounded Knee, et côté carnet rose, pour le mariage, en Angleterre, de la princesse Anne avec le capitaine Mark Philips.
En France, en 1973, Georges Pompidou est Président, Pierre Messmer Premier Ministre, et Edgar Faure Président de l’Assemblée Nationale. Après des élections législatives en mars où la Gauche progresse fortement, sans toutefois l’emporter, la France traverse 1973 sur fond de deux crises majeures :
> celle de l’usine Lip à Besançon où, au printemps, menacés de perdre leur emploi les salariés, « les Lip » comme on les appellera, décident de prendre en main la vente de la production, prônant « l’autogestion » ;
> autre crise, celle qui s’engage fin août lorsque 40 000 manifestants défilent à Millau contre l’extension du camp militaire du Larzac, le Larzac devenant un symbole de la contestation écolo-gauchiste.
Si au printemps aussi les lycéens manifestent contre la loi Debré, les Français retiennent surtout de cette année l’horreur de la mort de 21 enfants en février dans l’incendie du CES Pailleron à Paris, et, ce 30 juin, un Tupolev 144 qui, au 30ème Salon du Bourget, s’écrase sur Goussainville tuant 13 personnes. Elle s’émeut aussi de la disparition de l’athlète Jules Ladoumegue, du comédien Noël Roquevert, du fantaisiste Fernand Raynaud qui se tue dans un accident de voiture à à peine 47 ans, et du jeune – et beau – champion automobile François Cevert.
Côté sport, si Pescarolo et Larousse gagnent les 24h du Mans, si le néerlandais Johan Cruijff footballeur de l’année, gagne sa 3ème Coupe d’Europe avec l’Ajax en battant la Juventus, si Nantes est champion de France, c’est pour le cyclisme qu’on se souvient de l’année 1973.
Eddy Merckx gagne ainsi Paris-Roubaix le 15 avril, puis le Tour d’Espagne, puis le Giro d’Italie ; mais c’est Luis Ocana qui gagne le Tour de France devant Bernard Thevenet, et Felice Gimondi devient Champion du Monde sur route.
Le cinéma est contrasté en 1973 : les américains lancent « L’exorciste », tandis que le cinéma français parie sur Belmondo avec « Le Magnifique » (beau symbole, Messieurs, pour votre mariage). Et vous Mesdames, sans doute êtes-vous sensibles à Romy Schneider qui, après avoir triomphé dans « César et Rosalie », tourne avec Visconti « le crépuscule des Dieux », ou à Laura Antonelli qui pratique une éducation sentimentale particulière avec « Malicia ».
Mais ce qui vous met tous deux d’accord, face au scandale que crée « la Grande Bouffe » de Marco Ferreri, c’est de rire devant « les aventures de Rabbi Jacob » ou en cherchant « la 7ème Compagnie » qui parait-il est perdue.
A Wattrelos, en 1973, l’année s’ouvre sur l’inauguration de la piscine de Beaulieu et on débat en février au Conseil municipal de la création d’un grand parc ; dans les mois qui suivent on ouvrira la MPT de la Mousserie, le Foyer-logement de Beaulieu, le nouveau groupe scolaire Brossolette tandis que l’école de la Baillerie ferme, et on lance la construction d’un complexe municipal au Sapin Vert (ce sera Jean Zay) et une nouvelle bibliothèque. Le CES Neruda se construit. Tout cela a un coût : les impôts locaux sont augmentés de + 15 %.
Les températures aussi montent : cet été-là, c’est la canicule ! On note 30 degrés en juillet… mais il fera - 11 le 2 décembre ! Les Wattrelosiens et les élus râlent pour l’insécurité : il y aura 474 vols de voitures cette année-là (pour mémoire, et par comparaison je précise qu’il y en a eu – même si c’est trop bien sûr – 180 en 2022).
En 1973, le Tour de France passe à Wattrelos et au tournoi de foot de Pâques, il y aura prolongation entre l’Union et le Sporting, avec 30 tirs aux buts pour les départager ! Et en juin, pour la fête de la Jeunesse, la vedette c’est Annie Cordy.
Mais vous, les jeunes mariés de 1973, vous écoutez le hit-parade d’André Torrent sur RTL, et vous vivez avec intensité le match des méga-tubes de l’été, entre Michel Sardou et sa « Maladie d’Amour », qui court, qui court, jusqu’à vous d’évidence, et Johnny et Sylvie, l’un et l’autre reprenant « J’ai un problème/J’ai bien peur que je t’aime » »… et ça c’est vous aussi !
Avant que ne naisse l’amour, c’est le temps de la rencontre. Et peut-être que pour certaines d’entre vous, Mesdames, cela n’a pas été – comment dirais-je ? – spontané. Quand vous l’avez vu, peut-être, comme Pierre Vassiliu, vous êtes- vous dit :
« Qu’est-ce qu’il fait, qu’est-ce qu’il a, qui c’est celui-là ?
Complétement toqué ce mec-là, complètement gaga :
Il a un drôle d’accent ce gars-là,
Il a une drôle de voix
Non, mais ça va pas, mon p’tit gars ! »
sauf que, comme dans la chanson, séduite par ses « cheveux blonds » et ses « yeux polissons », telle une révélation car votre « horoscope vous l’avait prédit » vous entonnez, avec Diane Dufresne « Aujourd’hui, j’ai rencontré l’homme de ma vie/Au grand soleil, en plein midi », et il vous aura fait « monter » à son appartement/Entre la terre et le firmament », vous a « offert un drink », et vous avez « su que c’était lui ».
Bon c’est vrai, il est un peu insistant et même « collant ce type » quand il vous « drague » ; surtout lorsque, comme Guy Bedos avec Sophie Daumier, quand vous dansez, il vous « laboure la peau du dos avec son ongle », vous qui avez « un mal fou à cicatriser » alors que lui, qui « s’est aspergé d’eau de toilette », parait tout content « d’emballer », pour une fois qu’il « n’a pas hérité de la plus moche »… Et même s’il vous trouve un peu « les mains moites », il s’accroche le Jeannot, et il finit par « conclure », comme dans la chanson.
Comme quoi, sur un malentendu…
Oh, cela ne veut pas dire que tout va pour le mieux, vous vous faites encore un peu désirer Mesdames, même lorsqu’avec Frédéric François il vous interprète « Un chant d’amour, un chant d’été ». Vous vous faites attendre. Il vous supplie avec Marie Laforêt, « Viens, viens, c’est une prière, viens », il attend avec Alain Chamfort que vous lui fassiez « un signe de vie, signe d’amour » ; il vous complimente avec Art Sullivan, vous « la petite fille aux yeux bleus/Tu es belle comme le jour ». Il se fait pressant avec Christian Adam « si tu savais combien je t’aime », insistant même lorsqu’il vous rebaptise « Angélique » avec Christian Vidal pour vous chantonner « Mon bonheur, c’est toi/ Jour après jour et pour toujours »… Sans doute y-a-t-il des querelles d’amoureux qui ne savent pas encore qu’ils le sont ; alors il vous implore « Et surtout ne m’oublie pas/Tu sais que je reviendrai » avec le Crazy Horse et le regretté Alain Delorme, car « ce n'est pas tous les jours/qu’on rencontre le grand amour » ; il vous réclame avec Ringo « Une bague, un collier », et il vous console avec Daniel Guichard « Faut pas pleurer comme ça » ; et il revient vous chercher avec Mike Brant, car « Rien qu’une larme dans tes yeux/Je comprends combien je t’aime/Je t’aime, je veux te le dire/Je veux te revoir sourire »…
Vous le rembarrez, comme Dalida avec Alain Delon, car tout cela ce sont des « Paroles, paroles »… il gémit « Je suis malade », avec Serge Lama, avec ces yeux mélanges de Calimero et de Droopy comme seuls les hommes savent les faire quand ils veulent parvenir à leurs fins. Vous faiblissez et telle Françoise Hardy lui dites dans un « Message personnel » : « Mais si tu crois un jour que tu m’aimes/Viens me retrouver » ; et finalement vous craquerez lorsqu’avec son beau sourire ultra-brite il vous prend la main et que comme Sacha Distel avec Brigitte Bardot il vous chante « Tu es le soleil de ma vie/Tu es le soleil de mes jours » et vous lui répondez « Tu es le soleil de mes nuits/Tu es le soleil de l’amour »…
Et « c’est comme si tout avait commencé/Depuis plus d’un million d’années » ! En route pour le mariage ! Monsieur fait ses adieux à ses précédentes conquêtes avec Patrick Juvet : « Je vais me marier, Marie/ Et vous quitter Sophie, Marianne et Virginie ». Et vous, Mesdames, vous recréez le monde avec Sheila : « Adam et Eve/C’est toi et moi/ On est faits tous deux pour vivre ensemble/Et pour nous la vie commence ».
Moins de monde (je l’espère pour vous) à votre mariage qu’à celui de Sheila et Ringo, et pour le voyage de noces, vous avez le choix : bien sûr, il y a « les gondoles à Venise » où déguster « du pain grillé, du café chaud » : ou encore « le Lac Majeur » de Mort Shuman : le « pays des merveilles de Juliette » d’Yves Simon ; ou plus simplement ces paysages de « vaches rousses, blanches et noires » et « du bon cidre doux, Made in Normandie » avec Stone et Charden ; ou plutôt, « à Paris à vélo » où « vous dépassez les autos » avec Joe Dassin.
Si, à l’Olympia, Michel Fugain lance « le Big Bazar » quelque soit le « bazar » que peut être votre vie à deux, vous en retenez la leçon : « Fais comme l’oiseau/Ça vit d’air pur et d’eau fraiche un oiseau »… C’est que nos deux tourtereaux vivent « l’Amour 1830 » d’Alain Souchon, « pathétique, romantique » ; mais pas « démodé ».
Vous espérez « le lundi au soleil » avec Claude François, et même chaque jour ; votre amour ce sera « Forever and ever » avec Demis Roussos ! Un amour torride, celui où Madame, votre homme comme Johnny devenu « Corbeau blanc » vous crie « Ton corps, ton corps est chaud/Je l’aime », et que vous reprenez tous deux en chœur « nos corps, nos corps sont fous/Ils s’aiment ».
Et oui, vous vous aimez, vous vous êtes aimés tant d’années et jamais, jamais vous n’aurez oublié ce succès de Frédéric François en 1973 :
« Quand vient le soir, on se retrouve
Après avoir compté les heures
C’est comme un ciel qui se découvre
Et je te serre contre mon cœur
Quand vient le soir, Dieu que je t’aime !
Je me retrouve seul avec toi
Tu fermes la porte et tu m’entraines
Vers tout ce qui peut faire ma joie »…
Cette joie ne s’est pas tarie, et vous l’aurez vécue cinquante années durant. Aussi en terminant cette promenade avec vous dans les chansons de votre cœur d’amoureux de 1973, vous les 19 couples qui célébrez avec nous ce matin vos Noces d’Or, vous savez maintenant, 50 ans plus tard, mieux que quiconque, ce que Michel Sardou décrivait lorsqu’il chantait que « la maladie d’amour », « unit dans son lit les cheveux blonds » et… « les cheveux gris » !
Très, très Bon Anniversaire !
*
Voilà, avec vous, Mesdames et Messieurs, j’ai voulu revisiter toutes ces décennies qui furent celles de votre vie à deux.
Cinquante, soixante, soixante-dix années ont passé. Et vous êtes ce matin devant nous, l’un à côté de l’autre, plus exactement l’un avec l’autre, l’un tout contre l’autre. Vous êtes des exemples de stabilité, les messagers des valeurs essentielles, un encouragement pour les générations actuelles. Chers Jubilaires, vous nous témoignez et quelque part nous léguez le meilleur : l’amour de l’amour !
Mesdames, Messieurs, bien chers amis, cette belle journée ne fait que commencer, je sais qu’elle va se poursuivre de manière fort agréable. Je vous souhaite de continuer votre route encore longtemps ensemble, de bien profiter de votre temps, d’ajouter des moments agréables aux moments agréables.
Il y a 70 ans, 60 ou 50 ans, vous avez dit oui pour un long voyage de tendresse ; aujourd’hui, vous mesurez le chemin parcouru, et vous savez pourquoi vous avez dit oui. Par bonheur, par amour. Parce que c’était LUI, parce que c’était ELLE.
Car comme l’écrivait le poète patoisant Fremicourt : « Ch’est un bonheur d’être aveq s’compagnie et difficile a bin l’rimplachi ».
En 1973 précisément, pardonnez-moi d’y revenir un instant, l’un de mes chanteurs préférés, Michel Chevalier, chantait :
« Je veux t’aimer, plus de 100 ans,
Je voudrais arrêter l’horloge du temps
Je veux t’aimer plus d’un milliard d’années
Je veux t’aimer toute une éternité »
Cent ans, un milliard d’années,… pourquoi pas ? Vous avez déjà parcouru ensemble un tel chemin, alors continuez : le temps est toujours court quand il est celui du bonheur, et ce bonheur, le vôtre, du fond du cœur nous vous le souhaitons, je vous le souhaite pour toujours et à jamais…
Félicitations chers Jubilaires de Pâques !