Cet après-midi, en Commission élargie (Finances + Economie + Développement durable) sont examinés les crédits budgétaires 2017 de la Politique de la Ville. En tant que Rapporteur pour la Commission des Finances, j’ai présenté le Rapport que j’ai rédigé sur ce programme, et suis intervenu en début de Commission.
« Madame et Monsieur les Ministres,
Votre Rapporteur appellera à voter les crédits du Programme 147 de la mission « Politique de la Ville », car c’est un bon budget.
C’est un bon budget en lui-même : avec 416,2 M€, en autorisations de programmes et en crédits de paiement, ce budget consolide à 338 M€ les crédits d’intervention territorialisés, toutes ces actions de proximité des contrats de ville, si fondamentales pour les élus, les acteurs sociaux et les quartiers. Pendant cette législature, malgré le défi considérable du redressement des comptes publics, la politique de la ville aura été préservée politiquement, et cela contraste favorablement avec le quinquennat précédent où les crédits ont été amputés de 250 M€ !
C’est un bon budget aussi dans son environnement et ses priorités affichées.
D’abord parce qu’il met l’accent sur l’emploi et la jeunesse : dispositifs pour l’emploi, 150 000 « garanties jeunes », services civiques, écoles de la 2ème chance, établissement de la Défense, Agence France Entrepreneur…
Ensuite parce qu’il est contemporain du retour de l’Etat à la table des financeurs de l’ANRU, alors qu’à partir de 2009 l’Etat avait brutalement renoncé à verser des dotations, laissant seule Action Logement pour financer la rénovation urbaine. L’Etat va verser 1 Md€, dont 100 M€ dès 2017, c’est une excellente nouvelle.
C’est enfin un bon budget, parce qu’il s’intègre dans un ensemble d’actions qui donne à la politique de la Ville une masse budgétaire conséquente. J’ai suffisamment dit que le Ministère de la Ville était un « nain budgétaire », pour ne pas me féliciter qu’aux 416 M€ du Programme 147, il faille adjoindre les : 442 M€ de dépenses fiscales ; 300 M€ des Programmes d’Investissement d’Avenir ; 880 M€ de l’ANRU ; 150 M€ de Dotation Politique de la Ville (abondée cette année de 50 M€) et les 4,6 Mds € de crédits de droit commun fléchés sur la politique de la ville, comme le prévoit la loi de février 2014, soit un total de 6,8 Mds €, auxquels s’ajoutent les 100 M € annoncés pour l’ANRU. 6,9 Mds € pour la Ville en 2017 (on pourrait y additionner aussi la majoration de la DSU, soit 180 M€) ! Oui, à 7 Mds €, c’est un bon budget 2017.
La volonté politique est là, d’évidence, dans la stratégie gouvernementale. Mais, Madame et Monsieur le Ministre de la Ville, je voudrais vous poser cinq questions :
1) Quand et comment, dans la procédure budgétaire, se concrétiseront les 100 M€ supplémentaires pour l’ANRU annoncés par le Président de la République ?
2) Peut-on envisager de réviser les critères d’attribution de la DPV, car le critère du pourcentage de la population en QPV est trop restrictif, puisqu’il ne tient compte ni de la situation financière de la commune, ni de la situation sociale réelle puisqu’il exclut les quartiers de veille ?
3) Précisément, si la convergence des zones prioritaires (ville, éducation, sécurité) a fait des progrès, elle a encore des carences, qui imposent des correctifs. Ainsi, pour la « Réussite éducative », en quartier de veille l’Etat a imposé un co-financement de la commune à 50/50 pour l’heure, puis dégressif – ce qui pour une commune pauvre reviendra à renoncer de fait à l’action pour les enfants en difficulté concernés – alors même qu’il s’agit d’une « Zone de sécurité prioritaire » ? Peut-on éviter que l’Etat se désengage de ses actions territorialisées, et notamment de la Réussite éducative dans les ZSP qui ne sont pas QPV ?
4) Ma 4ème question porte sur le financement de l’ANRU. Fin 2015, l’ANRU 1 se termine sur une « impasse » de 3,7 Mds €, différence entre les engagements, et les paiements effectués : là-dessus, 600 M€ sont annulés pour des projets qui ne se feront pas, et ce reliquat vient abonder l’ANRU 2. Mais 3,1 Mds restent à financer, dont déjà 1,03 Md€ en 2016 et 800 M€ en 2017 ! Or, depuis le début 2015, c’est le NPNRU (ANRU 2) qui est engagé, avec de nouveaux quartiers, de nouveaux projets ! Et les élus, les habitants attendent des réalisations concrètes et rapides. Pour se réaliser l’ANRU2 devra-t-elle attendre qu’on ait fini de payer l’ANRU 1 ? Est-il possible de trouver les moyens d’engager concrètement l’ANRU 2, et sur quels crédits, par exemple en s’appuyant sur la CDC ou les 100 M€ annoncés par l’Etat pour 2017 ?
5) Enfin, je ne peux conclure sans vous redire mon extrême préoccupation. La politique de la Ville doit être souple, rapide, réactive. Or, la manière dont se gère la rénovation urbaine ne l’est pas ! La politique de la Ville, Madame et Monsieur le Ministre, est-elle en train de se technocratiser ? Franchement, quand 2 ans après les décisions annonçant les quartiers ANRU 2, on en est à peine à signer des protocoles de configuration, et à lancer encore – parce que l’administration les réclame – de coûteuses et longues études qui vont enrichir des cabinets de consultants ou d’architectes sans rien apporter aux habitants, quand on en est à programmer encore des comités d’engagement, ce que veut faire le Gouvernement, à savoir changer rapidement et concrètement la vie des habitants et donner des emplois aux jeunes de nos quartiers, n’est-il pas en train d’être dévoyé par une administration et une ingénierie chronophage et courtelinesque, parfois jusqu’à la caricature ? Sauf que les retards pris, ce sont autant de désespérances que l’on sème sur la capacité de la République à agir, et de doutes sur votre volonté politique, Madame et Monsieur le Ministre ! Alors même que par vos décisions, vous avez fait et faites des efforts considérables, notamment budgétaires ! ».