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  • : Blog de dominique Baert
  • : Dominique Baert est maire de Wattrelos (Nord)
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11 novembre 2024 1 11 /11 /novembre /2024 07:48
11 novembre 2024 : mon discours au Cimetière du Centre !

Madame la Présidente, chère Edith,

Chers amis membres des sociétés patriotiques,

Mesdames et Messieurs, chers collègues élus,

Chers enfants du Conseil Municipal des Enfants, Chers Enfants,

 

            A 11 heures du matin, le 11 novembre 1918, les hostilités sont suspendues sur l’ensemble du front. Les belligérants viennent de signer à 5h40, à Rethondes, la convention d’armistice qui met fin à plus de quatre années de guerre, une guerre terrible, la Grande Guerre comme l’Histoire la retient.

 

            Cette guerre tua chaque jour 900 de nos soldats français pendant 4 ans.

 

Cette guerre aura sacrifié une génération entière dans une interminable boucherie. Winston Churchill écrivit même, je cite : « A l’aube du XXe siècle, la guerre a pris l’allure d’un phénomène capable de détruire éventuellement la race humaine ». Terrible, horrible constat.

 

            Il y a donc maintenant un peu plus d’un siècle, nos soldats français, ces vénérables Poilus, combattaient pour la France. Ils portaient la Nation au bout de leurs bottes, ils étaient la Nation ! Beaucoup ont donné leur vie pour elle, pour nous.

           

            Depuis, 106 ans ont passé. Des ouvrages, des expositions commémorent cet atroce conflit, première mondialisation d’un conflit dont l’issue portait déjà les germes de celui qui éclata un peu plus de vingt ans plus tard.

 

Ce souvenir est tellement douloureux qu’il nous marque encore aujourd’hui par-delà les générations, à travers les témoignages laissés par celles et ceux qui l’ont subi, que ce soit au front ou dans la vie civile. Tous nous ont laissé un message très simple, très fort : n’oubliez pas, n’oublions pas !

 

N’oublions pas que cette guerre 14-18, qu’on espérait être la der des ders, la dernière des dernières tant elle avait été horrible, avait dépassé en folie destructrice tout ce que l’on pouvait imaginer.

 

Elle se voulait, pour chaque camp, une solution. Quelle illusion ! Comme disait Jean Jaurès, « on ne fait pas la guerre pour éviter la guerre ».

 

            Entre 1914 et 1918, en quatre ans seulement, 9 millions de personnes sont mortes. Difficile de se représenter ce que cela signifie ; cela dépasse nos représentations, nous les citoyens du XXIe siècle.

 

Ces hommes qui sont morts, qui ont donné leur vie pour nous, pour la France, ce ne sont pas que des noms lointains, ce sont nos grands-pères, nos arrière-grands-pères. Nous sommes du même sang, de la même ville, de la même terre. Mais eux étaient dans des tranchées, au milieu des morts et des rats, avec ces bruits d’obus qui crèvent les tympans, dans le froid et dans le noir, sans eau, parfois durant toute une année… Eux étaient des combattants pensant à leur femme, à leurs enfants, claquant des dents et ne pouvant retenir leurs larmes comme des gosses au moment de sortir, de courir à découvert en espérant qu’un miracle les préserve de la mitrailleuse adverse…

 

Souvenons-nous d’eux, devant ce monument, devant ces tombes. Souvenons-nous de ces Wattrelosiens, partis de chez eux, enlevés à leur famille, à leur épouse, à leur mère, et jamais revenus. Souvenons-nous de ce qu’ils ont connu. Tant d’écrivains, d’Alain-Fournier à Guillaume Apollinaire ou Charles Péguy ont su, grâce à leurs mots, nous dire ce que fut l’horreur des combats, des tranchées, l’horreur de la vie, de la survie… Pour tous ces soldats, ces années, ce furent la vermine, la pourriture, les ténèbres, la malnutrition, le manque de sommeil, le manque de tout…

 

Ce furent des armes, des uniformes, des terres rouges de sang humain, le sien ou trop souvent celui d’un ami, d’un camarade, d’un frère. Ce furent aussi la vaillance, le courage de ces hommes qui sont allés jusqu’au bout de leurs forces pour défendre leur vie et leur pays. Ce furent la Somme, la Marne, le Chemin des Dames, Verdun, autant de lieux qui résonnent encore d’un sinistre écho jusque dans ce cimetière de Wattrelos, où s’affiche la trop longue liste des noms de ceux qui tombèrent au champ d’honneur pour la défense de la Liberté, pour l’avenir de leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants dont nous sommes.

 

Souvenons-nous aussi qu’à Wattrelos, ce fut l’occupation, dès le 13 octobre 1914. La Ville, qui avait déjà l’âme d’une résistante, fut mise sans tarder à l’amende par les Allemands, victimes de petits attentats. Si le maire de l’époque, Henri Briffaut, avec la complicité des médecins de la ville, fit courir le bruit qu’une épidémie de fièvre typhoïde ravageait la population wattrelosienne, ce qui valut à Wattrelos une pause dans l’occupation de plus de deux ans, la réalité du quotidien fut cependant terrible.

 

La pénurie de ravitaillement entraînait la famine, et les maladies. Loin des tranchées, notre population souffrit également.  L’hiver 1916 fut terrible : les températures descendirent à - 15° et les possibilités de se chauffer étaient devenues quasi-inexistantes. Parallèlement, les déportations se multiplièrent ; Henri Briffaut lui-même fut envoyé dans un camp en Allemagne. Finalement, à la libération de la ville, le 18 octobre 1918, Wattrelos se réveilla exsangue de ce cauchemar. Les Allemands avaient fait sauter les ponts du Laboureur, de la rue Catteau et de la Gare, mis le feu aux usines Kuhlmann et Vandendriessche, pillé les dernières ressources communales…

 

Oui, ce premier conflit mondial fut, à tous points de vue, dévastateur. Il reste dans notre histoire comme une trace indélébile. Il est dans nos mémoires collectives. Et parce qu’il a meurtri tant de familles, il ne peut être oublié mais au contraire, doit être enseigné, expliqué.

 

Voilà pourquoi ce 11 novembre n’est pas un jour de victoire mais une journée du souvenir. Souvenir des sacrifices, des morts, une journée de recueillement, de respect qui doit nous unir par-delà les frontières.

 

Malheureusement ce 11 novembre 2024 n’est pas, n’est plus celui des dernières décennies, ni même celui d’hier. Les temps ont changé. Pendant de très longues années, naturellement répudiée du fait même de la construction de l’Union Européenne, sur le continent européen la guerre n’existait plus que dans les livres d’histoire : elle ne l’est plus seulement.

 

La guerre, c’était ailleurs : elle ne l’est plus.

 

Ce 11 novembre 2024, avec gravité, peine et douleur, il nous faut le reconnaître, la guerre est là… présente en Europe même, à peine à moins de 2 500 kms d’ici !

 

La guerre est là, en Ukraine, mais pas seulement. Dans le monde, au Proche-Orient, au Soudan, des milliers de femmes, d’hommes, d’enfants meurent sous les bombes.

 

La guerre est là, physiquement, concrètement, mais pas seulement.

 

Les courses aux armements, les provocations, les intimidations, les déclarations belliqueuses, les intérêts territoriaux et économiques, tout cela nous les observons, nous les entendons avec inquiétude. Mais d’autres fondamentaux des conflits sont également là, moins visibles, tapis dans l’ombre des inconsciences et des stratégies de communication, comme autant de champignons qui rongent les consciences et les esprits.

 

Ce sont les mensonges, les intolérances, les haines ancestrales le et les racismes, la vermine de l’antisémitisme. Ce sont les côtés noirs de l’homme, ceux qui font de l’homme ce « loup pour l’homme », que dénonçait le philosophe Plaute dans sa « Comédie des Anes », c’est tout dire, écrite 200 ans avant Jésus-Christ !

 

Ce sont là autant de maux qui minent le monde, mais aussi nos villes et nos quartiers, et face à chacun d’entre eux, il ne faut aucune naïveté ni aucune lâcheté ; il faut les combattre sans relâche ! Car ces idées nauséabondes sont des terreaux où prospèrent politiquement les extrêmes, à droite comme à gauche, et nourrissent les populismes, les autoritarismes, les tensions, et au bout sapent le respect de l’autre, des autres, et détruisent le vivre ensemble.

 

Quand on n’est pas capable de vivre ensemble dans son quartier et dans sa ville, parce qu’on se complait dans des conflits d’intolérance et de haine, comment peut-on croire vivre ensemble dans son pays ou sur son continent ?

 

En ce 11 novembre 2024, plus que jamais je ressens comme une vérité profonde cette citation d’Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaitre et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres ».

 

Mesdames, Messieurs, Chers Enfants, nous sommes ce matin dans l’émotion et le recueillement. Regardons ces tombes, les noms de ces plaques tombales sous lesquelles sont des chairs consumées par le temps et des os blanchis par le siècle écoulé, et soyons certains que tous ces jeunes hommes, qui n’avaient envie que de vivre et qui furent foudroyés en pleine jeunesse, s’ils le pouvaient, tous se lèveraient pour nous réclamer, pour ne nous proclamer qu’un seul mot, ne pousser qu’un cri : LA PAIX !

 

Femmes et hommes de bonne volonté, unissez-vous, rassemblez-vous contre tout ce qui divise, contre tous ceux qui se complaisent dans les haines, les fanatismes, les intolérances !

 

Plus qu’une urgence, c’est une supplique au monde que je formule.

 

Celle-là même qu’exprimait l’ancienne Présidente du Parlement Européen, Simone Veil, qui connut elle dans sa chair et dans sa vie les ravages de l’antisémitisme, lorsqu’elle écrivait : « Venus de tous les continents, croyants et non croyants, nous appartenons tous à la même planète, à la communauté des hommes. Nous devons être vigilants, et la défendre non seulement contre les forces de la nature qui la menacent, mais encore davantage contre la folie des hommes »…

 

Que vive la fraternité universelle, que vive la tolérance, que vive la paix !

 

Vive la France, vive Wattrelos !

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