Cette semaine, le Parlement est convoqué en session extraordinaire : en effet, le Gouvernement a l'intention de soumettre un si grand nombre de textes à l'examen du Parlement qu'il lui a demandé de siéger en séance publique une semaine plus tôt que la date prévue à cet effet, le premier mardi du mois d'octobre.
Dès cet après-midi, nous sommes de surcroît appelés à nous prononcer par un vote solennel sur la présence militaire française en Afghanistan. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à travers ce blog sur cette question difficile (cf. article du 21 août dernier).
A la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001, le Président de la République et le Premier Ministre d'alors, Jacques Chirac et Lionel Jospin, ont engagé des troupes militaires françaises en Afghanistan sous l'égide de l'O.N.U. Mais la situation de 2008 n'est plus celle de 2001.
Autant en 2001, il s'agissait d'affirmer notre solidarité avec les Etats-Unis, de les soutenir dans leur droit à la légitime défense ; il s'agissait aussi de démanteler les bases d'Al Qaïda, de contribuer à l'installation d'un régime démocratique à Kaboul et de reconstruire un pays dévasté.
Aujourd'hui au contraire, après 7 années de guerre – oui, c'est bien la guerre en Afghanistan ! – la situation s'est fortement dégradée : gouvernement afghan très fragile, corruption, domination des seigneurs de guerre, culture du pavot et trafic d'opium, talibans conquérant chaque jour un peu plus le territoire afghan jusqu'à se rapprocher de Kaboul ! Sans compter que les forces alliées sont entre-temps passées sous commandement de l'OTAN et que les troupes américaines continuent de mener leurs propres opérations, ce qui n'est pas sans causer de graves difficultés de cohérence et de missions.
Certes, il n'est pas question d'un retrait immédiat. En revanche, à terme, la question se pose. Pour répondre aux graves tensions que connaît ce pays, pour construire un avenir pérenne et pacifié à ce peuple, il nous faut repenser la politique conduite en Afghanistan, et plus largement au Proche Orient.
Les prochains mois peuvent nous le permettre : l'élection prochaine d'un nouveau président aux Etats-Unis et les élections présidentielles (2009) et législatives en Afghanistan (2010) sont autant d'occasions à saisir. Par ailleurs, la lutte contre le terrorisme ne peut être militaire et locale. Elle est nécessairement globale et multiforme. L'intervention militaire des Etats-Unis en Irak amplifiant le terrorisme en est la preuve.
Par ailleurs, il nous faut rompre avec cette idée que les puissances occidentales pourraient occuper sur le long terme les pays du Moyen Orient. Aujourd'hui, plus que jamais, nous devons oeuvrer avec l'ensemble des Etats de cette région, qui sont autant de partenaires et d'acteurs pour trouver une stabilisation.
Quant aux populations afghanes elles-mêmes, quel avenir leur offririons-nous si les troupes militaires devenaient – ce qui se dessine déjà ! – une force d'occupation ? Enfin, il nous faut nous garder d'une politique militaire française qui ne serait qu'un suivisme aveugle d'une politique étrangère américaine du tout militaire.
Aussi, pour restaurer une situation viable et pérenne en Afghanistan, plusieurs pistes complémentaires s'imposent : redéfinir les missions et les moyens militaires ; veiller à préserver les populations civiles des combats ; rééquilibrer l'aide civile et le militaire ; aider davantage les autorités afghanes à s'affirmer dans la conduite des affaires du pays ; être plus exigeants à l'égard des autorités afghanes en matière de lutte contre la corruption ou la drogue ; faciliter le consensus national entre les Afghans ; aider au dialogue entre les Etats de la région et inciter le Pakistan à ne plus soutenir les talibans.
En 2008, loin de l'exemple de 2001, le président Sarkozy n'est pas parvenu à créer les conditions d'un consensus national. La cause réunit sans doute Gauche et Droite : vaincre le terrorisme et ceux qui le soutiennent. Les moyens d’y parvenir cependant nous séparent.
Le président a mis le pays dans un engrenage dangereux. « Jusqu'où allons-nous aller dans la logique de guerre? » s'interroge à juste titre notre Président de groupe. A cela s'ajoutent certains propos malencontreusement provocants. Pour le député socialiste que je suis, c'est précisément pour pouvoir protéger nos soldats qu'est indispensable un changement de la mission que leur confie la Nation.
Le Président et son gouvernement n’ont tiré aucune leçon des échecs en Afghanistan ; voilà pourquoi il ne me paraît pas possible, comme mes collègues du groupe socialiste, d’octroyer un blanc seing illimité tel qu'il est demandé cet après-midi. J'ai donc voté non. Non à l'enlisement.
Dans ce moment de particulière gravité, je n'ai pas voté contre la poursuite de l’engagement de la France en Afghanistan. J'ai voté contre une conception politique et militaire qui nous conduit dans une impasse et qui, je le crains, risque bien d'occasionner encore des pertes chez nos jeunes militaires.