Cet après-midi, l’Assemblée poursuit ses travaux sur le projet de loi du Gouvernement Hôpital, patients, santé et territoires portant réforme de l’hôpital. J’étais déjà dans l’hémicycle hier soir et cette nuit.
J’interviens en particulier sur l’article 6 qui est très préoccupant et inquiétant pour la gouvernance qu’il veut mettre en œuvre.
D’après le texte, on dit vouloir conforter le directeur de l’hôpital. Il ne sera en réalité qu’un agent soumis à sa hiérarchie… Or, quand on voit comment ce Gouvernement considère ses hauts fonctionnaires dès qu’ils déplaisent ou s’écartent de la ligne, quand on voit combien ces derniers mois certains l’ont payé de leur poste, on peut avoir des craintes !
Cette gouvernance ne me tranquillise pas, non plus que beaucoup d’élus locaux. Pourquoi ?
D’abord parce que ce super patron d’hôpital n’est vraiment pas rassurant. Car comment cet agent saura-t-il être autonome par rapport à sa hiérarchie ? En faveur de qui tranchera-t-il en cas de conflit d’intérêt entre l’intérêt de son établissement de son personnel, de son territoire et les préconisations de ses autorités ? En vérité, loin d’être un manager autonome, vous aurez un directeur soumis, mutable, révocable et qui devra sa carrière à sa capacité à obéir, à faire ce qu’on lui dit de faire !
Mais, autre élément d’inquiétude – et c’est l’effet collatéral de cet article 6 – c’est l’éviction du maire et du président de la commission médicale d’établissement ! Car enfin, cet article dit certes que le directeur est « ordonnateur », mais surtout « qu’il conduit la politique générale de l’établissement » et « qu’il arrête le projet médical de l’établissement » !
Est-ce acceptable ? Non. Pourquoi ? Quand on parle de la politique générale, du projet médical d’un établissement, on est au cœur de l’intérêt même d’un territoire et de sa population ! Quelle offre de soins ? Quelle organisation de la santé sur le territoire ? Quelles pathologies y traitera-t-on ? Ce sont des choix locaux importants et on voudrait que les élus ne soient pas en droit de pouvoir s’exprimer, et de participer à la décision ? Et les médecins ne seraient pas en droit de pouvoir s’exprimer, et de participer à la décision ? Dans le conseil d’administration aujourd’hui, élus et médecins sont partie prenante de la décision.
Dans le conseil de surveillance, ils ne seront que consultés, pas décideurs !
Ce n’est ni logique ni efficace !
Les élus, les maires en particulier des communes sièges d’établissements hospitaliers doivent avoir leur mot à dire, être dans la prise de décision car par le bulletin de vote qui les a élus, ils sont les dépositaires des intérêts de leur population !
Dans ce projet de loi, le directeur devient un exécutant dont on aurait tort d’exagérer la marge réelle d’autonomie et de décision.
En vérité, ce projet de loi a une face à peine cachée, c’est d’évincer les élus de la gestion des hôpitaux publics ; c’est surtout de faire du directeur d’hôpital le serviteur asservi du ministère qui aura les mains liées à sa hiérarchie pour conduire, je le crains, des restructurations de nos hôpitaux publics ! L’élu local a été jusqu’à présent une digue, une limite à l’action de l’administration quand elle est destructrice, alors on l’élimine ! Cet article est dangereux car à donner au directeur le devoir d’obéir à son ministre, il évince le maire ! C’est un recul de la démocratie. C’est un affaiblissement programmé des territoires, c’est une recentralisation qui ne dit pas son nom ! C’est le contre-pouvoir, légitime, des élus locaux que l’on bâillonne.
Et quand la démocratie recule, on peut craindre le pire… Pour ma part, je le redoute.