Dans la bataille des amendements sur le projet de loi sur le rapprochement des Caisses d'épargne et des Banques populaires, les socialistes ont conduit l'essentiel des combats. A la commission des finances, hormis les quelques amendements rédactionnels de la droite (et notamment du rapporteur du texte, Gilles Carrez), il n'y avait que la vingtaine d'amendements que j'avais déposés au nom du groupe socialiste !
Nous nous sommes battus pour essayer de faire inscrire dans la loi des garanties sur : la gouvernance (place des sociétaires, celle des salariés ou des parlementaires dans le conseil de surveillance du nouveau groupe) ; la lutte contre les paradis fiscaux ; les missions du nouvel organe central et le maintien de l'autonomie de gestion des caisses et banques régionales ; l'existence des réseaux, des agences et l'évolution des emplois ; la défense de l'identité coopérative et décentralisée de ce groupe.
Evidemment, la Droite est majoritaire et n'a pas retenu nos amendements car même si le rapporteur a souvent souligné la justesse de nos analyses, et dit combien il les partageait, la Majorité parlementaire et le Gouvernement en sont restés à leur ligne politique : en inscrire très peu dans la loi… sans doute pour laisser le plus possible les mains libres au nouveau président du groupe, François PEROL (« l'ami de Sarkozy », comme il se définit lui-même).
Pourtant, une bataille politique majeure a été gagnée ce soir ! Elle est très importante pour la gouvernance du groupe et donc sur son avenir. De quoi s'agit-il ? De la place des sociétaires (plus exactement de leurs représentants) au conseil de surveillance du nouveau groupe.
En effet, ce conseil de surveillance devrait comporter 18 membres, dont 4 représentants de l'Etat, et 14 membres issus de chacun des réseaux (7 pour les Banques populaires, 7 pour les Caisses d'épargne). Or, sur les 7 représentants des réseaux, certains seront des représentants des sociétaires (donc élus par les clients), et d'autres représentants des directions de ces caisses (donc désignés par leur hiérarchie… donc par F. PEROL !). Et ainsi, les sociétaires ne seraient pas certains d'être majoritaires au conseil de surveillance,… ce qui serait un comble quand même pour un groupe coopératif !
De plus, si les sociétaires ne sont pas majoritaires, cela veut dire que le président du conseil de surveillance… aura un conseil à sa main, la majorité des membres seraient soit nommés par lui, soit proches (représentants du ministère des finances… dont il est issu !).
Voilà pourquoi, j'ai présenté au nom du groupe socialiste, un amendement (n° 8) pour demander que les sociétaires soient majoritaires au conseil de surveillance. Or, après un débat animé, la Commission des finances l'a adopté.
Oui mais voilà qu'en séance, le Gouvernement fait savoir qu'il n'est pas favorable à mon amendement et propose, lui, un autre amendement (n° 39) selon lequel les représentants des sociétaires seraient « majoritaires parmi les représentants des deux réseaux au sein du conseil »…
En fait, le Gouvernement tente une manœuvre : si on vote son texte, cela veut dire – avec mon collègue Jérôme CAHUZAC, on le comprend très vite – que les sociétaires, au mieux, seraient 8 dans le conseil de surveillance (8 sur les 14 représentants des réseaux). Mais cela voudra aussi dire, a contrario, qu'ils seront minoritaires très clairement puisque membres des directions et représentants de l'Etat, ensemble, seront 10. Et voilà la manipulation : le président PEROL pourrait gouverner son groupe sans devoir s'appuyer sur les sociétaires et donc sur ses établissements régionaux.
Inacceptable !
C'est alors qu'en séance. J'ai rédigé un sous-amendement (n° 40) à l'amendement du gouvernement, où je supprimais les mots « parmi les représentants des deux réseaux »… Je le fais mettre en forme de suite par les services de la séance, il est immédiatement distribué et mis en débat. Je discute avec le rapporteur général qui se rallie à mon sous-amendement. Le Nouveau Centre dit qu'il le votera aussi. La ministre, Christine LAGARDE, comprend ce que nous tentons de faire mais aussi qu'elle risque d'être mise en minorité ; elle désapprouve mon sous-amendement mais s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. Résultat, mon sous-amendement est adopté à l'unanimité moins une voix !
Le coup a réussi. Et au final, les sociétaires seront donc « majoritaires au sein du conseil »…
M. PEROL ne sera pas tout-puissant et il devra tenir compte de ses établissements régionaux. C'est une victoire de la démocratie et de la coopération. C'est surtout de bon sens pour un juste équilibre des pouvoirs dans ce nouveau groupe.
Mission accomplie…