Ce samedi 13 restera dans ma mémoire parmi mes pires souvenirs. La veille j'avais été prévenu de l'aggravation de l'état de santé de Bernard et je savais qu'il fallait redouter le week-end. Mais au fond de moi, j'espérais, un jour, un répit, une amélioration : il affichait une telle volonté, une telle force, que sortant de sa chambre, il y a à peine deux semaines, j'avais envie de croire, de le croire, que bientôt le traitement se terminerait, que ça irait mieux, qu'il pourrait revenir en réunion en mairie… Oui, je l'attendais pour ces prochains rendez-vous, ces réunions, où, comme il l'a toujours fait, il nous donnerait son avis, il exprimerait ses convictions, fidèle à ses valeurs de socialiste, fidèle à sa ville de Wattrelos qu'il chérissait, fidèle à ses habitants dont il voulait, plus que tout, améliorer le bien-être et les conditions de vie. Nous l'attendions tous, nous ses collègues élus, ses camarades, ses amis, ses copains.
Malheureusement, le message qui m'est parvenu n'était pas celui que j'espérais. Bernard nous a dit au-revoir avant que le jour ne se lève. Il nous quitte trop tôt, terriblement trop tôt.
Militant associatif, homme de l'ombre, aimant peu les tribunes et les projecteurs, Bernard a suivi le chemin des hommes de bonne volonté. La pauvreté, la souffrance, le mal-vivre, l'injustice sociale, les inégalités le révoltaient. Il eut bon nombre d'engagements bénévoles et chrétiens, mais c'est au sein de la Conférence Saint-Vincent de Paul qu'il oeuvrait surtout, discrètement mais efficacement. Combien de fois ne l'ai-je mis en contact avec des familles en grandes difficultés, que l'administration seule ne pouvait traiter ? Il leur fallait de l'accompagnement, de l'humain : Bernard s'en chargeait, Bernard trouvait des solutions.
Militant politique, engagé au parti socialiste, il en fut, il en est à jamais, un camarade exemplaire, voulant vraiment changer la vie. De son parcours ouvrier, il connaissait les âpretés du combat syndical ; en politique, il savait la dureté des coups. Toujours à mes côtés, il sut me prévenir, me prémunir, me conseiller. Jamais nous n'avons été en désaccord ; sans doute par nos cultures familiales, par notre ancrage très wattrelosien, nous étions instinctivement du même avis ! Sa gauche à lui n'était pas révolutionnaire, elle devait être gestionnaire, efficace économiquement et surtout juste socialement. Il espérait tant en 2012 !
Elu, il fut, dans les équipes municipales que j'ai conduites, un constructeur attentif et travailleur des comités de quartier. Il s'y est investi avec passion, portant son engagement à un haut niveau d'écoute et de disponibilité. Toujours courtois, aimable même face à des critiques, il était la tolérance même. Mais il savait être ferme pour porter les projets, faire valoir les résultats, pour définir les aménagements nécessaires. De son travail à Roubaix-Habitat (devenu LMH), il avait conservé une attention particulière au logement. Que ne m'en a-t-il parlé ! Dès 1999, il me parlait de Beaulieu, Beaulieu… Alors, on a fait, on a refait Beaulieu ! Dut-ce sa modestie en souffrir, la rénovation urbaine de Beaulieu lui doit beaucoup. Comme bien des réalisations dans nos quartiers, "ses" quartiers, comme il le disait parfois avec affection. Dans nos plus récentes conversations, il me parlait encore, alité, de ces jeux d'enfants qu'il s'est battu pour obtenir à Beaulieu et à la Mousserie, "son" dossier !
Et puis surtout, Bernard était un ami, un frère, un copain. Celui à qui on peut tout dire, celui qui ose tout vous dire, celui qui partage vos bonheurs et qui, le premier, m'envoie un message de soutien quand je subis une attaque, que j'ai un lourd problème à affronter.
Un de mes fidèles, m'a-t-on dit ? Il était plus que cela ! Il était une référence d'amitié, une richesse d'humanité.
La Majorité l'adorait, l'Opposition le respectait. Son bon sens, son pragmatisme, son goût du devoir ont fait honneur à sa fonction d'élu !
Alors, Bernard est parti ? Non, il est au Panthéon des hommes bons ! De ceux qui auront bien servi Wattrelos et qui méritent qu'on se souvienne d'eux.
Sa femme Arlette, ses enfants et petits-enfants, à qui j'exprime toutes nos condoléances, peuvent être fiers de lui.
Au revoir mon ami, mon frère.