Comment dire à son père qu'on l'aime et qu'on est fier d'avoir eu, et d'avoir encore, un père comme lui ? Il y a sans doute bien des mots pour le dire, bien des manières de le faire savoir.
Si j'ai accepté d'être facteur d'un jour, d'accompagner un facteur de Wattrelos une matinée, c'est pour lui rendre hommage, à lui à qui je dois tout, à la passion du service public qui est la sienne, à l'homme jovial, disponible pour les autres mais si étroitement attaché à sa famille, à sa femme et à ses fils.
Retour sur images. Régulièrement des entreprises et organismes, publics ou privés, proposent à des parlementaires de vivre une journée dans leurs services, de connaître telle fonction, et je reconnais que privilégiant le travail à l'agrément (fût-il de découverte), j'ai toujours répondu négativement. Mais quand La Poste m'a proposé, dans le cadre d'une action de sensibilisation des élus du Nord, de vivre, moi, fils de facteur, une tournée aux côtés d'un postier de Wattrelos, (même si en pleine session budgétaire, ce n'est pas facile à gérer) je ne pouvais que dire oui. Pourquoi ?
D'abord pour rendre hommage à ce métier, à cet agent de proximité qu'est le facteur, ce lien indispensable aux autres qui vous amène votre courrier par tous les temps. Ces agents ont bien du mérite, et ils sont si utiles à mes concitoyens qu'il est bien normal que je leur témoigne, par ma présence à leurs côtés, mon attachement personnel. C'est ce que je leur dis ce matin, en quelques mots, à l'heure du premier café (cf. photo).
Ensuite, par amour de mon père et par amour du service public dont, par son exemple, je partage la passion. Oui, j'ai grandi avec le vélo et la musette dans le couloir, puis dans les casiers de tri. J'ai tout appris d'un père qui m'expliquait l'importance d'avoir été assermenté, pour qui le courrier était tout, plus que tout, devant être porté en tous lieux, et en tous temps. Les week-ends, le 1er janvier, quand il savait que la boîte à lettres de La Poste allait être pleine, il m'emmenait, gamin, avec lui faire une levée : les lettres étaient déjà triées, oblitérées, mises en sacs, de sorte que le camion puisse les emmener dès 6 h le lendemain matin : une journée de gagnée pour le courrier, et tant pis pour la famille et les vacances. Mais mon père était heureux, et moi aussi, pour lui, pour nous ! Il m'a appris par l'exemple combien les intérêts particuliers doivent savoir s'effacer devant l'intérêt général. Il m'a appris le service des autres, avec ses fiertés et ses servitudes.
Car malheureusement, j'ai aussi vécu, enfant, avec la peur au ventre de le voir partir dans la nuit très tôt le matin, qu'il pleuve ou neige, sur son cycle : facteur dans le Leers des années 60, il empruntait sentiers et voies où peu de gens passaient. Sauf qu'un jour, il n'est pas rentré. Il a été retrouvé plusieurs heures plus tard, dans un fossé, à cause du verglas. Toute ma vie, je me souviendrai de ses hurlements lorsque le soir, à la maison, le médecin et des voisins lui remettaient l'épaule en place… Le petit garçon n'oubliera jamais.
Aussi, maintenant qu'il est durablement hospitalisé, quand hier je lui ai dit que ce matin j'allais trier le courrier, prendre un vélo, faire une tournée avec un facteur de sa poste de Wattrelos, la lumière dans les yeux qui s'est alors allumée, son sourire me disaient son plaisir et son bonheur !
Voilà pourquoi j'ai dit oui. Et pourquoi j'ai été très ému lorsque M. Langrand, en guise de remerciement pour m'être prêté au jeu, m'a offert une musette (cf. photo) ! Sauf que pour moi, ce n'était pas un jeu mais une reconnaissance. Pour un métier que j'admire, pour celui de mon père que j'aime, avec fierté.