Au moment où la crise sociale a rarement aussi durement affecté les Français, et surtout les plus modestes, je trouve indécent que le Gouvernement n’ait pas d’autres urgences économiques et sociales, d’autres priorités que de diminuer très fortement l’Impôt sur la fortune… des plus riches !
Déjà depuis le début de l’année, une bonne part des auditions de la commission des finances a été consacrée à cela, jusqu’à ce projet de loi de finances rectificative (PFLR) pour 2011, présenté le 10 mai en conseil des ministres, et dont l’examen commence cet après-midi dans l’hémicycle. J’y suis, et y serai cette nuit.
Je suis révolté par ce texte. Car il est inopportun sur son calendrier comme sur le fond. Franchement, dans ma circonscription, pas une seule fois on ne m’a abordé pour me dire qu’il était urgent de baisser l’impôt sur la fortune ! Et de priver l’Etat de tout ou partie des quatre milliards € que jusqu’à présent il rapporte ! Partout en revanche, on me parle de mal-vivre, de difficultés de pouvoir d’achat, de manque d’argent pour faire fonctionner les services publics ou pour financer les associations…
Alors quand j’entends certains, à l’UMP, dire que le relèvement du seuil d’éligibilité à l’ISF de 0,7 à 1,3 M€ n’est pas suffisant mais qu’ils défendent un amendement pour le relever à 1,4 millions €, je suis horrifié ! Mais dans quel monde vivent-ils ? 1 400 000 euros ! Je n’arrive même pas à imaginer ce que cela représente, tellement c’est énorme ! Quand je pense qu’un logement dans ma ville se vend entre 90 et 150 k€, que le patrimoine moyen des Français est de 110 000 euros… j’ai peine à croire qu’il soit ultra-prioritaire d’exonérer d’impôts ceux qui dans ce pays ont un patrimoine personnel 14 fois supérieur au patrimoine moyen des Français !
Et pourtant, ce Gouvernement, avec sa majorité, va le faire ! C’est vraiment indécent. Quelques caractéristiques de ce PLFR 2011 :
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C’est d’abord et surtout un très gros cadeau fiscal aux contribuables les plus fortunés de notre pays. Ainsi, le nombre de tranches d’imposition des redevables à l’ISF passe à deux (0,25 % de 1,3 à 3 M€, et 0,50 % au-delà) au lieu de six actuellement (de 0,55 % à partir de 790 k€ à 1,80 % au-dessous de 16,54 M€). L’entrée dans le barème est ainsi relevée à 1 300 000 euros au lieu de 790.000 aujourd’hui. Les taux d’imposition sont eux donc très fortement diminués.
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En 2010, l’ISF a rapporté plus de 4 milliards d’euros à l’Etat et concernait 562 000 contribuables. Il s’agissait d’un des rares impôts encore progressif avec 6 tranches de patrimoine comprenant chacune des taux de taxation différents. En diminuant fortement le nombre des tranches et des taux, le Gouvernement supprime la progressivité de cet impôt, c’est-à-dire sa justice. Cela conduit à avantager les contribuables les plus aisés.
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Le projet de loi relève la taxation à l’ISF à partir de 1,3 million d'euros de patrimoine. L’actuelle première tranche d’imposition est supprimée. Celle-ci concernait près de 300 000 contribuables qui en deviennent exonérés. Cette mesure est d’application immédiate en 2011 et va coûter 300 millions d’euros au budget de l’Etat ! C’est-à-dire plus que ce que rapporte à l’Etat le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui fait tant de dégâts dans nos écoles et nos commissariats !
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Justifier ce projet de loi, comme le fait le Gouvernement, en faisant croire que l’ISF est un impôt qui frappe durement les petits patrimoines est une hérésie ! Les premiers 10 % des Français des redevables actuels de l’ISF paient un ISF moyen de 63 euros, le 2e décile un ISF moyen inférieur à 408 euros, le 3e un ISF moyen inférieur à 797 euros et le 4e un ISF moyen inférieur à 1 243 euros. Ce sont donc les détenteurs des plus gros patrimoines qui contribuent le plus à l’ISF mais ils sont minoritaires en nombre de redevables !
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La baisse de l’ISF réalisée par ce projet de loi, représente une perte de recettes pour l’Etat de près de 2 milliards d’euros, essentiellement concentrée sur les patrimoines les plus importants, c’est-à-dire sur les plus gros contributeurs à l’ISF ! Ce Gouvernement fait le choix d’aggraver le déficit de notre pays pour faire un cadeau fiscal aux plus aisés.
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Enfin, le projet de loi comprend également (pour faire croire qu’il y a un équilibre au nouveau cadeau fiscal fait aux plus riches) la suppression du bouclier fiscal à partir des revenus de l’année 2011. En réalité, les avantages budgétaires de cette mesure pour le budget de l’Etat seront différés dans le temps. A l’inverse, les cadeaux fiscaux, eux, vont continuer !
En effet, en arrêtant l’existence du bouclier fiscal à la fin de l’année 2010, il faudra encore faire des restitutions d’impôts aux contribuables les plus riches jusqu’à fin 2013 et continuer de grever les finances de l’Etat ! Il ne sera donc effectivement supprimé qu’en 2014. C’est seulement à partir de cette année que l’Etat retrouvera les 720 millions d’euros de gains attendus. Pendant ce temps, les plus riches bénéficieront d’un double cadeau : baisse de l’ISF et chèque de restitution du bouclier fiscal.
Inutile de dire que je suis radicalement opposé à ce texte et que je voterai fermement contre ses articles, et lors du vote solennel la semaine prochaine.