Cette disposition du projet de réforme des retraites du Gouvernement est passée trop inaperçue, mais elle n’est pas la moins importante ! Car la ponction que prévoit d’opérer le Gouvernement sur l’argent du fonds de réserve des retraites (FRR) n’est rien d’autre que prélever l’argent qui avait été prévu pour les retraites, plus tard, des jeunes d’aujourd’hui ! Pourquoi ?
Rappelons que le FRR a été créé en 2001 par le gouvernement de Lionel Jospin pour répondre au surcroît provisoire de dépenses de retraite que les générations nombreuses du baby boom engendrent au fur et à mesure de leur départ en retraite. Le FRR devait donc accumuler des réserves jusqu’en 2020, réserves qui auraient progressivement été décaissées à partir de cette date pour participer au financement des régimes qui allaient devoir supporter ce choc des retraites des baby boomers.
Ainsi, le FRR a un objectif d’équité intergénérationnelle : les générations du baby boom mettent en réserve durant leur vie active une partie des surplus de dépenses qu’elles vont générer pour leurs retraites, afin d’éviter que la totalité du financement ne repose sur leurs enfants.
Pour ce faire, le FRR devait être abondé par des ressources stables (une fraction du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et de placement, qui a rapporté 1,5 milliards d’euros au FRR en 2009), des revenus exceptionnels provenant de la vente de licences UMTS, ainsi que d’éventuelles recettes de privatisation. Ses réserves se montent aujourd’hui à 34 milliards d’euros.
Le gouvernement a décidé de transformer le FRR en instrument de financement des déficits courants durant la montée en charge (2011-2018) de sa réforme, en le privant de ses ressources et en décaissant ses réserves.
La décision du gouvernement est donc une violation directe de l’objet même du FRR, l’équité entre les générations ! Avec la réforme gouvernementale, les jeunes générations vont ainsi payer trois fois. Cotiser plus, avec le recul de l’âge légal. Percevoir des retraites plus faibles, avec la baisse programmée du rendement des retraites inscrite dans les lois Balladur et Fillon. Et, cerise sur le gâteau, le gouvernement siphonne les 34 milliards d’euros du FRR qui leur étaient destinés : on prend aux retraités de demain pour donner aux retraités d’aujourd’hui !
C’est une politique à courte vue qui relève en outre d’une mauvaise gestion des ressources publiques, ne serait-ce que pour deux raisons : on liquide l’argent mis de côté pour couvrir les besoins de demain, pour qu’il serve à boucher les déficits immédiats (alors que les rendements de l’argent placé au FRR sont actuellement supérieurs aux taux auxquels l’Etat finance sa dette en ce moment !) ; le FRR participe actuellement au financement de l’économie réelle, puisque son portefeuille est investi à près de 50 % en actions.
En liquidant le FRR, le Gouvernement prendrait de surcroît une mesure irréversible : quand il aura dépensé cet argent mis en réserves, que restera-t-il pour demain ? Rien. Tout sera à refaire. D’autres financements à trouver… Oui, mais l’élection présidentielle sera passée. Cette mesure est donc dangereuse car elle fait disparaître ce qui était, au contraire, un investissement d’avenir !
Voilà pourquoi, non seulement cette disposition du plan gouvernemental ne doit pas être mise en œuvre, mais au contraire, avec mes collègues socialistes, je dis qu’il faut tout faire pour augmenter, dans les limites des possibilités budgétaires, les abondements dont peut bénéficier le FRR.