Elles ne sont pas jumelées pour rien. Les Busos sont à Mohàcs ce que les Berlouffes sont à Wattrelos : une fête populaire identitaire où les habitants se reconnaissent.
D’abord parce qu’il y a dans les deux cas un personnage identitaire : la poupée chez nous bien sûr, et le Buso, ce costume de peaux de moutons, avec masque de bois coloré et cornes destiné à faire peur, à Mohàcs.
Ensuite la référence à un événement dramatique de l’histoire. A Wattrelos, l’incendie de l’église de la Trinité où périssent les gueux poursuivis par les troupes du sinistre duc d’Albe en 1566. A Mohàcs, la peur faite par les Hongrois, déguisés en busos, pour mettre en fuite les occupants turcs en 1687 : dans la salle du conseil municipal, une tapisserie le rappelle.
Enfin, de ces évènements dramatiques, nos deux villes auront fait une grande fête populaire !
C’est aujourd’hui qu’a ainsi lieu cette belle manifestation de notre ville sœur, le défilé des Busos. Cette nuit, après l’inauguration du salon des associations wattrelosiennes, je suis allé rejoindre Budapest, puis Mohàcs, où, à l’Hôtel de ville, je retrouve ce matin mon collègue Joseph Szeko en train d’enfiler son costume de Buso… avant de vouloir immanquablement que je porte son masque un instant (si, si, c’est moi à côté !).
La neige tombe dru jusqu’au début de l’après-midi mais rien ne freine la fête : la Grand'place noircit de visiteurs, des danses ont lieu devant l’Hôtel de ville, et sur des kilomètres, boutiques et grills, offrent aux badauds une promenade bien agréable (rehaussée de vins chauds, le cas échéant, à moins que l’eau du Danube, plus connue sous le nom de palinka, n’ait votre préférence).
Et vers 14 h 30, tandis que des musiciens jouent au balcon de la mairie, ils sont des milliers de Busos, grands et petits, avec leurs sorcières ou dames d’apparat (masquées) à défiler devant l’Hôtel de ville. Les chars sont extraordinaires : du tracteur à la tondeuse, de la carriole à la traban d’origine (cf. photo), tout est prétexte à ornements. Destinés à terroriser, les masques sont sombres ou colorés ; aucun ne ressemble à un autre. Munis de hachettes ou de gourdins (de belle taille, assurément multi-usages…), les Busos, de temps à autre se précipitent sur le public, suscitant cris et rires.
Tiens, c’est curieux : voilà qu’au bout de son bâton, un Buso a accroché deux poupées Berlouffes et deux petits lions bien sympathiques. Si loin, est-ce possible ? Hé oui, il y a une délégation de trois Busos wattrelosiens, conduits par notre Robert Roussel bien connu, fier d’être dans cette foule bestiale et… si chaleureuse.
Artifices, tirs de canon, danses auront rythmé ensuite, jusque tard dans la soirée, la fête pour le plus grand plaisir des habitants et des visiteurs, avec en point d’orgue, d’abord la mise à l’eau sur le Danube du cercueil marquant la fin de l’hiver, et sur la place, le brûlage d’une haute poupée de paille symbolisant l’hiver !
Il est vrai que, comme je le dis ce soir à Joseph, mon homologue et ami, avec leur sortie, les Busos auront à nouveau réussi à faire peur : au mauvais temps ! Puisque la neige aura cessé et le ciel aura été bien dégagé tout l’après-midi !