« Madame la Ministre,
On peut être une grande entreprise, afficher 1 milliard d'€ de chiffre d’affaires, connaître un développement commercial, avoir près de 1 000 magasins sur notre territoire, bref, avoir des performances économiques, mais ne pas avoir pour ses salariés, une politique sociale à la hauteur.
Car quand une entreprise marche bien, fait des résultats, on peut légitiment s’attendre à ce que les salariés en profitent, qu’il aient leur juste part de la valeur ajoutée produite. Malheureusement ce n’est pas le cas à Camaïeu, à Roubaix, où les salariés crient leur colère et leur insatisfaction. Ils m’ont demandé de l’exprimer au Gouvernement.
C’est ce que je fais. Je veux ainsi vous parler de la politique salariale où nombreux sont les salariés à temps plein qui, en dépit de leur ancienneté, sont des « travailleurs pauvres », dont la rémunération ne dépasse que de peu 1 000 euros et qui est complétée – un comble ! – par le RSA, i-e par des subsides publics. Pourtant, l’ancien Président du groupe a été classé n° 1 des revenus des patrons français (cf. l’enquête du journal Capital en novembre 2009) avec 23,1 millions d’euros perçus, et les actionnaires auront bénéficié de 390 millions € de dividendes depuis 2007.
Le partage de la valeur ajoutée est d'évidence, outrageusement déséquilibré.
Et ceci alors même que cette rentabilité se nourrit des allègements d’Etat de cotisations sociales sur les bas salaires ! L’Etat a-t-il pour ambition, en réduisant le coût du travail, de contribuer à aider une entreprise à maintenir un bas niveau de salaires, pour faciliter des bénéfices prohibitifs ? Le Gouvernement ne devrait-il pas utiliser des moyens de contrôle, et de pression (car il y a eu, et il y a encore usage d’aides publiques) pour inciter l’entreprise à une plus juste rémunération du travail accompli par les salariés ?
Et, à cet égard, n’y aurait-il pas lieu, pour éviter ce type de dérives inacceptables, de réviser la convention collective des industries de l’habillement datant, semble-t-il de 1972 ? Dans quelques jours, le 7 avril vont s'ouvrir des négociations annuelles sur les salaires, l'Etat se devrait d'y être attentif. Telles sont les questions que, par votre relais, je pose au Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé ».
La ministre a choisi – je pouvais le craindre – d’élargir le sujet, mais a quand même noté que « dans la branche de l’habillement, le blocage » (des négociations) « persistait depuis plusieurs années (le dernier accord salarial remontait à 2000) », et que « les efforts doivent bien évidemment être poursuivis et déclinés au niveau des entreprises, dont Camaïeu. Si cette entreprise ne respecte pas son obligation annuelle de négocier sur les salaires, elle verra ses exonérations réduites de 10 % en application du mécanisme de conditionnalité ».
En réponse, j’ai précisé que «dans cette entreprise, il est clair que le dialogue social, dans son contenu comme sur la forme pourrait être meilleur. Je crois vraiment que l’Etat serait dans son rôle en l’accompagnant davantage. Quand une entreprise a les résultats qu’elle a, il n’est pas acceptable que direction et salariés connaissent régulièrement le niveau de tensions sociales qu’on y rencontre, à l’image d’un récent contentieux qui vient de s’ouvrir sur le calcul de la redevance pour travailleurs handicapés dont les syndicats viennent de dénoncer qu’il n’intègre pas le personnel des 900 boutiques de l’enseigne. Là aussi, l’Etat doit être vigilant ».
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Question au Gouvernement / salariés de Camaïeupar dBaert