La réforme des retraites est fondatrice de la société qui se dessine pour les années à venir, et aussi pour les générations futures. Et le projet présenté par le Gouvernement est, on l’a déjà écrit ici, injuste et non pérenne. Aussi, durant 10 jours avec mes collègues socialistes, nous avons discuté, nous avons bataillé nuits comprises sur les bancs de l’Assemblée pour confronter projet contre projet.
Mais à chaque proposition socialiste, ou à chaque alerte sur la régression sociale que constitue le projet gouvernemental, le Gouvernement et sa majorité sont restés fermés. Ainsi, ces 75 heures de travaux n’ont pas été un vrai bon travail parlementaire : les seuls vrais gros amendements qui ont été incorporés dans le texte gouvernemental ont été … des amendements du gouvernement, intégrés sur ordre de l’Elysée ! Les autres modifications n’ont été que marginales ! Voilà : sur le fond, c’est un blocage.
Mais sur la forme, ce n’est pas mieux, puisque sur ce texte, le Gouvernement a requis un examen en temps programmé, c'est-à-dire que la durée maximale des débats, et donc la durée maximale d’intervention de chaque groupe, est limitée ! Moi, déjà, franchement, sur un texte aussi important que cette réforme des retraites, ça me choque déjà ! Mais l’utilisation qu’en a fait la Droite est encore plus choquante.
Qu’on en juge ! Lors de la réforme constitutionnelle de 2009 qui avait introduit cette règle possible de temps limité sur l’examen d’un texte, avait été introduit dans le règlement de l’Assemblée (c’était une contrepartie logique) un article 49.13 qui, pour préserver les droits de l’opposition, autorisait, en pareil cas, chaque député à donner individuellement l’explication de son vote (en 5 minutes !), juste après la fin des débats, et donc juste avant le vote !
C’est un droit réglementaire. Protégé par la Constitution. Et pourtant, aujourd’hui, la Droite l’a bafoué. Les socialistes auront été dans le respect de la Constitution ; le président de l’Assemblée, non !
En effet, ce matin, vers 9h30, alors que l’hémicycle était quasiment plein (j’y étais) - tout comme il l'avait été durant toute la nuit ! - le président de l’Assemblée, Bernard Accoyer, a décidé depuis son perchoir (expression consacrée) de mettre un terme à ces explications de vote : 142 députés (dont moi !) ont donc été privés de nos 5 petites minutes chacun !
Ce putsch du président de l’Assemblée est un vol de démocratie, c’est un vol de la mission qu’ont les députés de représenter la nation, c’est un vol de l’expression même de la nation ! Et cela, sans doute, sur ordre du Président de la République qui avait décidé que l’Assemblée voterait la réforme des retraites, sa réforme des retraites (ou plus exactement sa régression sociale !) à 15h, et non trois, quatre ou cinq heures plus tard ! C’est consternant, aberrant, illogique. C’est un coup de force ! Qui appelle une réaction appropriée.
Dans la réunion de fin de matinée, le groupe socialiste décide qu’elle sera solennelle, digne et républicaine.
A 15h, à la reprise de la séance, c’est d’ailleurs ce que fait à la tribune de l’Assemblée, Jean-Marc Ayrault, président du groupe. Avec mes collègues socialistes, c’est en portant l’écharpe tricolore, l’écharpe de représentant de la Nation, que nous avons accompagné, debout, le propos de Jean-Marc Ayrault.
Vraiment, aujourd’hui, sur ordre de Nicolas Sarkozy, Bernard Accoyer n’a été ni un président garant des droits du Parlement ni un président garant de la parole de la nation ! La démocratie a été piétinée, bafouée, humiliée. Comme tant d’autres de mes collègues, et sans doute de mes concitoyens, je suis en colère. Les millions de manifestants dans les rues contre cette réforme méritaient mieux, méritaient plus de considération, que ce putsch de la Droite !
Pour lire l’intervention de J.-M. Ayrault, cliquer ici.