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  • : Blog de dominique Baert
  • : Dominique Baert est maire de Wattrelos (Nord)
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9 août 2014 6 09 /08 /août /2014 09:11

Papi.JPG"Mon Papa, au moment où tu viens de refermer le livre de ta vie, je veux t'adresser, à toi le postier, une dernière lettre.

 

Nous qui t'aimons, et avons vécu, presque chaque jour ces trois dernières années et jusqu'à ces dernières heures avec toi, nous savons bien sûr que tu as fini de souffrir, de ces mains qui s'endormaient, de ces jambes qui ne te répondaient plus, elles que tu avais tant faites travailler ta vie durant.

 

Tu nous laisses dans la peine, mais aussi dans le bonheur de t'avoir connu. Lorsque la séparation est là, douloureuse, cruelle, on se rappelle que nous sommes tous de passage ! C'est vrai, mais encore faut-il avoir la chance de connaître ce passage : c'est à toi, mon Papa, que je dois d'avoir connu cette chance-là, à toi et à ton amour pour Maman.

 

Tu m'as donné la vie. Tu m'as donné aussi beaucoup plus que cela. Tu me laisses la fierté d'avoir eu un père comme toi. Difficile de ne parler de toi qu'en quelques mots, qu'en quelques lignes.

 

Ta vie, ton enfance, tes goûts, ta vie professionnelle et personnelle, tout cela a été raconté en début de cérémonie. C'était vraiment toi !

 

Moi, ton fils fier de son père, je veux te dire ce que je garde de toi.

 

Ce que je garde de toi, c'est ce que tu m'as appris, enseigné, montré, ce que tu m'as donné, ce que tu as été.

 

Ce que je garde de toi, c'est l'importance et le goût du travail. Souvenir amusant, j'avais 6-7 ans lorsque nous allions toi et moi, à Stella-Plage – pendant l'une de nos exceptionnelles vacances  dans un café, moderne pour l'époque, nous regardions le clip d'Henri Salvador qui chantait Le travail, c'est la santé ! : la chanson disait bien d'autres choses mais nous n'en avions gardé que le refrain ! Ce fut ta vie : travail, travail, travail. Vacances, dimanches, et jours fériés te pesaient, et combien de 1ers janvier ne t'ai-je accompagné à La Poste faire une levée du courrier ? Je t'aidais à ranger et à classer les lettres. J'étais fier, et heureux ! Dans ta famille on a toujours beaucoup bossé, et ta lignée ouvrière, c'était aussi ta fierté à toi.

 

Ce que je garderai de toi, c'est cette conscience professionnelle, c'est ton souci du service public avant tout, c'est ta conviction que quand on travaille pour l'intérêt général, on n'a pas qu'un travail, mais on rend une mission au service des autres ! Et que cette mission, il faut en être fier et bien l'accomplir ! Que de fois ne me l'as-tu dit ?

 

La Poste a été ta vie, et tu l'auras passée à me prouver que non, PTT ne rimait pas avec "Petit Travail Tranquille" ! Ton travail,  tu l'as vécu pas simplement avec compétences et dévouement, mais avec un esprit de service public qui t'honore, et que je conserve précieusement en héritage.

 

Ce que je garde de toi, et au plus profond de moi aussi, c'est ton amour immodéré pour Wattrelos. Pendant ces plus de 50 ans que j'ai vécus avec toi, moi aussi j'ai entendu comme tant d'autres te proposant de partir, même quelques jours, la même réponse : "J'chu bin à m'maison, j'chu bin à Wattrelos !" C'est sûr, du pays tu n'en as pas vu beaucoup ; nous avec toi non plus, bien sûr. Mais, promis mon Papa, tu y resteras maintenant à jamais dans ta ville aimée !

 

Ce que je garderai de toi, c'est justement qu'il y a une vie dans une ville. Des responsabilités associatives, des assemblées générales, des banquets, des ducasses à Pierrot, des arbres de Noël, je t'en ai toujours connus ! Et nous, nous étions avec toi. Etre dans une association, être bénévole ou militant, c'était naturel chez toi, normal ! Parce que la relations aux autres était essentielle, parce que tu aimais ça, le contact, faire quelque chose, aider.

 

Ce que je garde de toi, c'est ta simplicité, ta proximité, ta convivialité. Tu ne passais pas inaperçu. Tout le monde dans le quartier connaissait Lucien, "Lulu pour les dames" ajoutais-tu si souvent avec une espièglerie sans malice !

 

Ce que je garderai de toi, c'est ce foyer, qu'avec Maman vous avez formé. La vie n'a pas toujours été facile, bien sûr, mais Toi et Maman vous vous êtes bien trouvés. Pour vos enfants, tant l'un que l'autre, vous avez tout fait pour leur donner les meilleures chances, leur donner tout ce que vous pouviez. A mes yeux, tu auras été un père exigeant, bourru parfois, et craint souvent, mais toujours prêt à tout pour ta famille ; tu auras été un père exemplaire. Et un mari attachant, attaché, aimant. Il y a quelques jours, alors que la vie s'en allait, tu me le répétais : "J'l'ai toudis aimé t'mère, ça a été la femme de ma vie"...

 

Les années ont passé, et vos 50 ans de mariage, si espérés, m'auront donné ma plus grande émotion de maire en vous recevant avec les jubilaires en mairie. Vos 60 ans de mariage, en 2013, si inespérés après tes problèmes de santé, auront été à l'EHPAD un pur moment de bonheur. Comme mes Noël et Nouvel An ces deux dernières années, si intenses humainement qu'ils auront été pour moi les plus beaux que j'ai vécus !

 

Ce que je garderai de toi, c'est tout l'amour que tu m'as donné, ta fierté devant mes succès, ta douleur bien plus forte encore que la mienne lorsque j'étais agressé ou critiqué ; ce sont toutes ces années, mais aussi toutes ces heures intenses qu'ensemble nous avons vécues ces dernières semaines, l'un avec l'autre, père et fils ; ce sont ces sourires généreux que tu me faisais dès que tu me voyais dans ta chambre près de toi, ou te prendre la main, en me disant la voix déjà faible, mais le cœur battant, "j't'aime bin min garchon  !"

 

Un jour, alors que j'étais encore petit garçon, je t'avais demandé ce que tu voudrais qu'on dise de toi, plus tard. Tu m'avais répondu : "Que j'étais un brave et honnête homme qui a tout fait pour bien élever s'petite famille" ! Je te l'ai dit il y a quelques jours,  et je te le redis ce matin : c'est ce que tu as fait ! Et ça je le garderai de toi à jamais.

 

Comme je garderai aussi de toi, ce que je ne t'ai dit que la semaine dernière aussi mais que j'aurais peut-être dû te dire depuis longtemps : j'ai été, je suis et je resterai fier du père que j'ai eu !

 

Et vois-tu, ce n'est qu'un apparent paradoxe que tu nous quittes le jour de la Saint-Amour : comment mieux dire que tu nous as aimés, que nous t'aimons, et que tu resteras pour toujours dans nos cœurs !

 

Pendant tous ces derniers jours de soins, quand je te quittais le soir, tu me disais à chaque fois : "Merci mon garçon ! ". Ce midi, c'est toi qui nous quittes, et c'est moi qui te dis : "Merci Papa !"


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commentaires

C
<br /> superbe hommage<br />
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J
<br /> Une lettre trés émouvante qui ne peut laisser indifférent ...................... De tout coeur avec vous ................<br />
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S
<br /> Toutes mes condoléances.<br /> <br /> <br />  <br />
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