Le sort réservé au projet de loi gouvernemental visant à institutionnaliser le dialogue social dans les très petites entreprises (TPE) est bien à l’image caricaturale d’une large part de la majorité parlementaire : réactionnaire, rétrograde et ringarde. Pour une fois, j’étais d’accord avec le Gouvernement ; ce sont ses députés UMP qui le font battre… De quoi s’agit-il ?
Le projet de loi visait à compléter la loi du 20 août 2008 réformant la représentativité syndicale dont étaient exclues jusqu'à présent les entreprises de moins de 11 salariés, au sein desquelles des élections professionnelles ne sont pas obligatoirement organisées.
En avril 2008, CGT, CFDT, CGPME et Medef affirmaient dans une position commune la nécessité d’ « élargir […] la représentation collective aux salariés des TPE ». Le Gouvernement a donc rédigé un projet de loi visant à pérenniser et entériner cet accord. Ce projet, bien que soutenu par trois organisations patronales (artisans de l’UPA, professions libérales de l’UNAPL, exploitants agricoles de la FNSEA), la CGT et la CFDT – fait rare qui mérite d’être souligné – s’est néanmoins heurté à un lobbying intense de la part du Medef et de la Cgpme, débouchant sur un rabotage en règle du texte par les députés UMP de la commission des affaires sociales !
Les TPE, ce sont les entreprises qui emploient entre 1 et 10 personnes ; elles représentent 20% de l’emploi salarié privé, soit quatre millions de personnes, majoritairement dans le secteur tertiaire. Le texte défendu par le Gouvernement permettait ainsi aux partenaires sociaux de mettre en place, dans le cadre d'un accord collectif, des commissions paritaires régionales destinées à favoriser le dialogue social dans les TPE. Une idée pour le moins nécessaire puisque le principe constitutionnel d’égalité devant la loi n’était toujours pas effectif pour cette catégorie de salarié : pas de délégué du personnel, ni de comité d’entreprise ou de comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail !
En outre, pour le coup, à mon sens, ce projet de loi était salutaire quand on sait les difficultés auxquelles les salariés des TPE font face : plus précarisés que les autres salariés du privé (davantage de contrats aidés, de contrat à durée déterminée, de temps partiel non désiré), ils forment plus de la moitié des dossiers déposés aux prud’hommes ! L’institutionnalisation du dialogue social est manifestement juste et utile.
Si c’est effectivement - comme Jean-François Copé aime à le dire - la première fois que les députés UMP ne se plient pas à la volonté de l’exécutif, ce n’est malheureusement pas pour la bonne cause : l’amendement supprimé par les députés UMP a été vainement réintroduit par un amendement gouvernemental… soutenu par la Gauche, mais à nouveau repoussé en séance ! Le monde à l’envers !
Comme le titre le quotidien Libération ce jeudi : « L’UMP repousse les TPE dans leur désert syndical »… C’est vrai. La réforme de la représentativité a été vidée de son contenu.
Le projet de loi, déjà voté par le Sénat le 8 juin, va désormais être soumis à une commission paritaire mixte chargée d'en établir la rédaction finale, avant le vote définitif. Puissent les parlementaires de la majorité présents dans cette commission faire preuve d’un peu plus d’esprit visionnaire et progressiste que leurs collègues… dont je suis certain qu’ils comprendront, par delà un vote à l’emporte-pièce idéologique, avoir fait une grossière erreur.