Si seulement ce n’était qu’un poisson d’avril de mauvais goût… il n’en est rien : les prix du gaz naturel pour les particuliers (tarifs réglementés) ont bien augmenté de 9,7% en moyenne (hors TVA) au 1er avril, comme l’a annoncé la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
« Injustifiée » pour certains, « scandaleuse » pour d’autres, il est clair que cette hausse arrive à un moment peu opportun et s’accommode mal des profits conséquents du groupe GDF Suez réalisés en mars 2010… et des résultats de l’étude de l’INSEE publiée aujourd’hui sur les inégalités de revenus en France (8 millions de pauvres sur notre territoire et des inégalités de revenus qui explosent, faisant écho à nouveau à la désastreuse politique du bouclier fiscal).
Les pouvoirs publics ne voulant plus porter la responsabilité directe de ce genre de décision délicate, c’est désormais l'autorité de régulation qui, en donnant son aval (un avis contraignant) à une demande soumise par le groupe GDF Suez (anciennement Gaz de France), a donné le coup d’envoi de la hausse.
Dans un entretien au quotidien Le Monde daté d’hier, le régulateur s’explique sur les raisons de cette hausse, laquelle doit être divisée en deux augmentations distinctes auxquelles il convient de s’intéresser :
- 5,9 % concerne les infrastructures, c'est-à-dire l'acheminement, les transports, la distribution, le stockage et les coûts de commercialisation. Comme le rappelle le régulateur, cette hausse a été décidée et prise par un arrêté du gouvernement en décembre 2009 : le Gouvernement a donc beau jeu de se défausser de ses responsabilités aujourd’hui. Pour mémoire, l’an dernier, à la même époque (le 1er avril 2009), Monsieur Alain Marleix se targuait de la décision du Gouvernement de diminuer les tarifs réglementés du gaz naturel. Certes mais si c’est pour, un an après, les ré-augmenter…
- le reste, 3,8%, ce serait l'augmentation du prix du coût des approvisionnements de GDF-Suez sur la période du 1er avril 2009 au 1er avril 2010. Mais là aussi le bât blesse puisque le prix du gaz sur les marchés à court terme (marchés spot) est à un niveau historiquement bas, du fait d’une baisse de la consommation (due en large partie à la crise) et d'une augmentation de la disponibilité du gaz (les Américains s’étant détournés du gaz naturel liquéfié).
Curieuse manière qu’ont des entreprises en parfaite santé financière de faire payer aux usagers historiques, ceux des tarifs réglementés, la volatilité des prix qu’ils pratiquent au plus offrant sur les marchés spot.
Par conséquent, s’il est injuste de critiquer la CRE, laquelle n’est pas responsable de cet état de fait (elle applique le cadre que lui ont fixé le décret du 18 décembre et l'arrêté du 21 décembre 2009), je m’interroge sur le sens de la dernière phrase d'un récent entretien de son responsable: « Nous faisons des audits – et nous allons en refaire un dans les mois qui viennent – pour vérifier que la formule en question reflète bien les coûts d'approvisionnement de GDF Suez. »
La décision aurait donc été prise avant que sa validité n’ait été vérifiée ? Curieuse façon de concevoir l’expertise et l’audit…A moins qu'il n'y ait eu urgence, par cette annonce tarifaire, à doper les cours de bourse et la profitabilité de l'entreprise, histoire de permettre au conseil d'administration de voter, fort opportunément, l'augmentation de rémunération du n°2 de Suez-GDF, J-F Cirelli (dont le revenu annuel vient de tripler !).
L'augmentation des tarifs du gaz n'est pas une perte de pouvoir d'achat pour tout le monde…