C'est le thème du débat que nous avons cet après-midi à la Commission des finances avec quatre économistes de talent, que je connais bien, Ch. De Boissieu (Conseil d'Analyse Economique), J.M. Lorenzi (Cercle des Economistes), X. Timbeau (Ofce) et M. Touati (Société Générale).
Certes, il y a des différences d'approche entre eux. Mais globalement, un consensus s'observe pour dire que la crise financière, venue des Etats-Unis, n'est en effet pas finie.
Trois raisons pour cela : la crise du logement n'est pas terminée outre-Atlantique ; il y a crise de confiance entre les banques depuis août 2007, et cela se prolonge (l'injection de liquidités par les banques centrales a calmé le jeu, mais le doute subsiste par manque de transparence sur les positions de chaque établissement) ; tout n'est pas encore inscrit dans les comptes des banques et des assureurs, et dans les bilans qui vont sortir vont devoir être inscrites des dépréciations d'actifs. Tous sont d'accord pour reconnaître que les 1 000 Mds $ de pertes des banques cités par le FMI ne sont en effet pas impossibles.
Cette crise aura des conséquences sur nous par trois canaux :
- la croissance économique : là, les avis peuvent diverger sur la croissance américaine, et sur sa récession et sa durée. Tous sont d'accord pour reconnaître que le pôle de dynamique mondial restera les pays émergents avec la Chine, l'Inde et la Russie (avec des taux respectifs de 9/10 %, 7 % et de l'ordre de 7 % aussi), mais que la croissance européenne sera touchée ;
- le canal bancaire : des banques, mais aussi des assureurs sont touchés. Des établissements pourraient devenir plus sélectifs, et les PME connaîtront des problèmes de financement bancaire ;
- le taux de change : chacun imagine le dollar rester faible, et à des degrés divers stigmatise la BCE (Banque Centrale Européenne) qui ne baisse pas ses taux (reconduisant l'erreur de 1929), alors que la Fed américaine l'a fait, en sa qualité de prêteur de dernier ressort.
Au final, le plus pessimiste (le plus réaliste ?) est sans conteste Marc Touati qui estime que « la crise n'est pas finie », que « le tunnel ne fait que commencer », annonçant « de mauvaises nouvelles dans les banques européennes », rappelant que « les banques françaises ont fait 11 Mds € de pertes sur les subprimes », et qu'en 2009, « la croissance de la zone euro sera inférieure à 2 % » !!!
Pour ma part, j'ai tenu à poser trois questions à notre parterre d'économistes :
1) Comment faire quand, pour la BCE, elle est confrontée à une dualité d'objectif de politique monétaire (d'une part la lutte contre l'inflation, d'autre part le niveau du taux de change), en n'ayant qu'un seul instrument (le maniement des taux d'intérêt directeurs) ?
Dans la réponse, M. Touati a rappelé qu'en vertu des textes européens, la BCE n'a pas pour seul objectif l'inflation (dont rien ne dit qu'elle doive être à 2 %, surtout quand il s'agit d'une inflation énergétique ou d'une bulle alimentaire !), que celui de croissance économique est bien prévu, et que « la BCE est un problème, car elle fait passer le dogmatisme avant le pragmatisme ».
2) Quelle évolution pour la "courbe des taux", car aujourd'hui – et c'est révélateur des temps de crise - elle est extraordinairement plate ?
M. Touati a confirmé en effet que si les banques centrales, avec leurs liquidités, ont réglé les problèmes de financement à très court terme, le marché interbancaire ne fonctionne pas bien (trois mois), et il y a des primes de risque importantes. Le problème, ce sont les taux courts de la BCE.
3) N'y a-t-il pas lieu de redouter des difficultés de financement de l'investissement ? Cette question est primordiale pour la croissance économique française, car face aux difficultés de la consommation et du pouvoir d'achat des ménages, si l'investissement des entreprises ne redémarre pas, le moteur de notre croissance risque fortement de patiner dans les mois qui viennent !