Cela fait des mois que l’inquiétude existait car rien n’est pire que l’incertitude, le doute et l’absence de transparence. Le groupe Kering (ex-PPR) avait décidé de vendre avant la fin de 2013 le R de son ancienne enseigne : le changement de dénomination du groupe n’était déjà pas un bon signal mais la méthode employée donne à ceux qui aiment La Redoute (ph. ci-contre, Philippe Huguen / AFP), élus locaux, salariés, population, le sentiment que ce n’est plus une vente mais des soldes ! Le fait qu'après de long mois rien ne filtre alors que la date butoir de la fin d’année approche n’est guère rassurant.
Déjà en janvier, à la cérémonie des vœux aux entreprises, ou dans mon discours du 1er mai pour les médaillés du travail, j’avais fait part de mes inquiétudes et avais interpellé F.-H. Pinault pour que dans sa recherche d’actionnaires futurs il privilégie un investissement qui porte un projet industriel, et non un fonds d’investissement uniquement avide de rentabilité…
Les informations annoncées, sans qu’elles soient officielles, aux salariés ce mardi sont un choc par leur ampleur, par la méthode employée, comme par les objectifs qu’ils sous-tendent.
L’ampleur est considérable en effet : la mise en place d’un plan social pour 700 personnes, des externalisations pour les services de relations à la clientèle et surtout la logistique sont autant de promesses d’abandons immédiats ou futurs ! C’est tout l’outil économique Redoute qui est démantelé. C’est à tout le moins inacceptable, irresponsable car c’est tout notre bassin d’emploi qui est secoué.
La méthode employée est également inacceptable : faite hors cadre officiel par un directeur financier (et non par l’actionnaire !), cette annonce d’ampleur n’a aucune valeur juridique. Est-elle une stratégie de communication des dirigeants de Kering vers leurs salariés, pour annoncer beaucoup pour finalement faire un peu moins, laisser le rôle conciliant ensuite à l’actionnaire qui donnera le sentiment de lâcher du lest ? C’est possible. Si c’était le cas, ce serait hautement cynique. C’est cependant vraisemblable à mon sens. Voilà pourquoi je ne veux pas me contenter de ce que dit le directeur financier : c’est l’actionnaire, F.-H. Pinault qui doit s’exprimer !
Enfin les objectifs sous-tendus par ce plan sont tout aussi insupportables. Déjà, il y a une dizaine d’années, j’avais eu une altercation vive en commission mixte paritaire avec Philippe Marini (alors rapporteur général UMP du budget au Sénat, et par ailleurs inspecteur des finances, c'est-à-dire le top de l’énarchie !) car j’intervenais pour réduire la portée d’une nouvelle taxe sur les catalogues que le Gouvernement (de droite) de l’époque voulait créer, et qui allait frapper nos entreprises de VPC. Et Marini de m’interrompre brutalement en disant : « Mais La Redoute, c’est mort, tout ça ! C’est fini ! ». Ce débat fut vif ! Mais il est symptomatique que pour bon nombre de hauts responsables, ce modèle économique n’a plus de raison d’être ! Je crains que ce ne soit aussi là le cœur du raisonnement actuel de l’actionnaire et de certains milieux économiques : le premier, lui, veut se désengager (et donne l’impression que c’est à n’importe quel prix, ce qui est encore plus choquant !) d’une entreprise qui ne lui apporte plus suffisamment de cash ni de renom ; les seconds n’ont plus d’yeux que pour un modèle de vente à distance à la Amazon, en circuit très court et réactif, voulant sans doute transformer La Redoute en ce sens… et on aurait bien tort de ne pas se souvenir qu’Amazon fait l’objet de nombreux contentieux sociaux devant les tribunaux car son modèle d’organisation, week-end et nuits, repose sur une pression très forte sur les salariés. Inacceptable aussi !
Voilà pourquoi, dès mardi soir, j’ai dit à Pierre Dubois, maire de Roubaix, qui m’invitait à être mercredi matin pour recevoir les syndicats de La Redoute, que j’étais évidemment à ses côtés, même si je ne pouvais être là car je rapportais sur les crédits de la ville en commission à la même heure, en débat avec le ministre de la ville.
Voilà pourquoi, dès mercredi à 14 h 30, losque Martine Aubry m’a appelé pour me proposer de signer un communiqué commun avec les maires de Roubaix et de Tourcoing, j’ai évidemment répondu oui, mais malheureusement, je ne l’ai pas reçu à temps. Peu importe ce raté, le lien existe entre nos trois villes et LMCU, et c’est ça l’essentiel. Et je suis solidaire des démarches, légitimes, engagées par la présidente de notre métropole, c’est bien normal !
Voilà pourquoi, dès mercredi, avant et après les questions d’actualité, je me suis entretenu avec Arnaud Montebourg, puis son cabinet pour le mobiliser, lui et ses services (j’avais déjà saisi la nouvelle commissaire régionale au redressement productif cet été), pour que le Gouvernement refuse ce plan et exige de l’actionnaire qu’il revoit le calendrier, le contenu et les modalités de son projet de cession. Je reste en liaison avec le cabinet.
Voilà pourquoi je serai aux côtés des salariés dans leur manifestation de jeudi prochain et pour tout ce qui défendra leurs droits. Il faut que La Redoute vive, à Roubaix et à Wattrelos !