Arrivé à 18 mois à Wattrelos en 1955, (lorsque ses parents, roncquois d’origine, reprennent la pâtisserie Wagon au 75 rue Pierre Catteau), Luc Veroone a repris l’affaire familiale bien connue de la rue Pierre Catteau en 1985, et c’est l’histoire d’une vie commerciale, mais aussi donc d’une part de ville qu’il raconte dans son ouvrage « Wattrelos : le quartier de mon enfance » publié aux éditions chapitre.com.
Ce n’est pas un hasard, dès son avant-propos Luc Veroone montre la photo du 1er supermarché Auchan à Roubaix (à l’époque 600 m²) car c’est de cette époque qu’il date, évidemment, la mutation en profondeur du commerce dans nos villes, avec l’émergence de « villes commerciales » dans les champs à l’extérieur des villes, et de « la puissance financière de ces mastodontes » « supers devenus hypers » ! Wattrelos a été, elle, bousculée par l’ouverture de l’hyper Auchan à Leers, et la zone commerciale qui suivit. Le coup est d’abord rude pour l’alimentaire, accentué par la galerie marchande, et en 1988 c’est Leclerc qui s’implante sur Carnot, qui impactera jusqu’aux stations-services de la ville. La phrase choc du livre, Luc Veroone l’écrit à la 16ème page : « le client a tourné la page ».
A travers sa propre enfance, « un regard personnel, jeté dans le rétroviseur », dans le quartier Vieille Place/Pierre Catteau, l’auteur évoque évidemment l’ambiance d’une époque, mais aussi des figures que « les plus de 20 ans » (en fait un peu plus) ont bien connu : j’ai moi-même le souvenir de la boucherie Degraeve (de la saucisse que j’allais acheter, avec toujours « mon » rond de saucisson), des feux Holvoet, de la droguerie Petit ou de l’opticien Tramon (j’ai mis mes premières lunettes à 7 ans !). Le livre évoque ensuite bien des mutations : la mairie, l’église, la place (la boucherie Hien, l’électroménager Bossut, l’Innovation, poissonnerie, chemiserie Bienvenu, les costumes Wicart, les Amis, l’épicerie Glorieux, la pâtisserie Chantilly,…). Il se livre ensuite à quelques coups de projecteurs : le patronage ; l’église St Maclou ; Pierre Catteau (son rôle dans la construction de l’Hôpital).
Dans l’histoire personnelle, bien sûr les commerçants de la Vieille Place et de la rue Pierre Catteau (67 au total !), ses voisins familiaux, ont particulièrement compté, et la narration des boutiques et des personnes est très plaisante, et rappelle là aussi bien des souvenirs (Meubles Deroo - qui deviennent ma permanence parlementaire en 1997 -, Transports Renard, Chevaline Rousseau, Menuiserie Nottebaert, Boulangerie Soudan, Chapellerie Fouquet, Boucherie Hoden, Chevaline Vandecandelaere,…), l’occasion pour l’auteur de souligner l’enthousiasme mais aussi les vicissitudes de la vie du commerçant indépendant : « c’est surtout aimer son métier, aimer le contact et mettre le reste de côté ».
Pour le jeune Luc Veroone, la disparition brutale de son père en février 1985 (à à peine 56 ans) change tout : il revient travailler avec sa mère à la pâtisserie familiale, qu’il élargira vers les activités de traiteur et de salons de réception. Et en 1997, le voilà Président de l’UCIW, Union des Commerçants de Wattrelos, et c’est à partir de cette période que nous commençons à travailler ensemble notamment pour porter – je viens de devenir Député – un dossier FISAC pour le commerce wattrelosien… Et Wattrelos gagnera en 1999 le Prix National du Commerce (devant Bordeaux !) que remettra au Ministère, la Ministre du Commerce, Marylise Lebranchu !
C’est cette aventure familiale, personnelle que raconte ce livre, mais il est surtout l’occasion de parler de notre histoire à tous, celle de ces commerces de nos quartiers qui étaient notre vie quotidienne, ces commerçants de proximité où l’on allait parce qu’on était « à côté ». Depuis, bien des défis ont frappé le commerce : la grande distribution toujours plus grande, hier en dehors des villes qui revient maintenant en ville ; la voiture et sa multiplication qui a réduit les distances ; et maintenant l’internet qui offre les produits du monde sur notre écran, là au cœur de chez nous ! Les commerçants vont-ils, peuvent-ils survivre dans ces conditions ? Luc Veroone apporte des convictions en réponse qui sont puisées dans ses expériences personnelles et consulaires, avec en particulier l’affirmation loin d’être saugrenue que la solution passe par le levier que la grande distribution peut accorder aux commerçants locaux ! Iconoclaste ? Non, je suis témoin que cette idée Luc Veroone la porte depuis longtemps en lui. A réfléchir donc…
Et ce livre est à lire ! Pour le plaisir…