Madame la Présidente et Mesdames et Messieurs les représentants
des sociétés patriotiques,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants de nos associations wattrelosiennes,
Chers enfants,
Mesdames, Messieurs,
1914-1918. La 1ère guerre mondiale.
La guerre. En ce 11 novembre 2023, à la fois si lointaine, et si proche.
Si lointaine, car l’armistice du 11 novembre 1918 que nous commémorons, dans la solennité, dans la gravité et le recueillement, date de plus de 105 ans. Plus d’un siècle. Un armistice, la signature d’un acte qui met fin à un énorme conflit, celui qui embrasa plus que tout un continent, celui qui engagea plus de belligérants que jamais, celui qui fut le plus destructeur jusqu’alors de toute l’histoire de l’humanité. Celui où les morts, les blessés se comptèrent par millions, celui qui anéantit tant de vies, lamina tant d’économies et d’activités, mit à bas tant de pays, celui qui laissera tant de traces sur les corps et dans les cœurs, des traces qui nourrirrent tant de haines et de ressentiments que cette guerre mondiale qui se terminait en ce mois de novembre 1918 ne fut, malheureusement, que la Première.
La guerre. La 1ère guerre mondiale, 1914-1918, si lointaine en effet. Et en même temps ce jour si proche. Si proche car en ce cimetière ce matin, si l’on tend l’oreille, si l’on regarde vers l’Est, ce sont des bruits et des visions de bombes, de morts, de massacres, de conflits à nouveau que nous entendons, que nous voyons en cette fin 2023 au bord de la Mer Noire, ou au Proche-Orient. Ce sont des cris de haines historiques, des volontés d’en finir avec l’autre tout simplement parce qu’il est un autre, des intolérances, des tentatives d’annexion de territoires, des souhaits de soumissions de populations… Ce sont les pires relents de l’histoire qui nous reviennent !
Rien, rien, rien ! L’humanité n’aurait-elle rien compris des leçons de 1914-1918 ?
Rien, rien, rien ! Les hommes qui doivent leur vie d’aujourd’hui à ceux qui ont perdu la leur il y a plus de 100 ans, n’auraient-ils rien retenu des erreurs, et des horreurs du passé ?
Rien, rien, rien ! Ceux qui aujourd’hui veulent la guerre et sèment la mort, n’ont-ils jamais vu nos cimetières militaires qui dans nos campagnes alignent des milliers de tombes qui sont autant de chairs et de vies qui se délitent en terre, alors que ces jeunes gens ne demandaient qu’à vivre, à aimer, à goûter le plaisir du jour qui se lève, celui de fonder une famille, de cultiver les graines d’un bonheur dont jamais, à cause de la folie des hommes, ils ne recueilleront les fruits ?
Oui, devant ces tombes alignées, devant ce monument aux morts, ce matin à Wattrelos, ces questions nous étreignent, nous serrent la gorge, et nous bouleversent le cœur.
Comment ne pas penser au tocsin qui le 1er août 1914 annonçait l’entrée en guerre, la mobilisation générale, dans un climat de xénophobie hystérique stimulé par des rumeurs et des ragots pleins de haine ?
Comment ne pas se souvenir de cette guerre, où, très vite, des hommes se sont affrontés pendant de longs mois face à face, terrés dans la boue des tranchées dans des conditions sanitaires, de santé et d’alimentation déplorables, sans espoir de percées ?
Comment omettre de se remémorer les centaines de milliers de morts des affrontements d’Ypres, de la Marne, de Verdun, cette terre « âprement disputée » dont un historien écrira qu’elle est « devenue l’un des lieux d’horreur les plus achevés que l’on puisse voir à la surface de la terre », où « à chaque pas, au fond de ses trous, on aperçoit une croix » ?
Comment ne pas être horrifié qu’à peine à 100 kms d’ici, lors de la bataille de la Somme, entre juillet et novembre 1916, en à peine 142 jours, furent tués ou blessés plus d’1,2 million d’hommes ? Jamais la folie destructrice n’avait été telle !
Comme vous toutes et tous, j’y pense avec effroi en regardant ces tombes.
Mais en levant mon regard, en apercevant notre clocher, nos champs, nos habitations je veux aussi associer à notre recueillement les populations civiles victimes aussi de la guerre, hier comme aujourd’hui, ici comme ailleurs. Par-delà les champs de bataille et les objectifs militaires, nul ne peut, nul ne doit oublier les souffrances, les agressions, les arrestations, les occupations des populations des pays belligérants.
Les villes alentour ainsi ont beaucoup souffert des bombardements et de l’invasion allemande. L’écrivain Maxence Vandermeersch raconte dans « Invasion 14 » :
« Le siège de Lille dura 3 jours. La population vécut dans les caves… La ville était pleine de fumée, de vapeur, et de l’énorme poussière rousse des écroulements »… Restes des murs d’avant « ça et là de grands squelettes noirs de pierre et de fer s’érigeaient, sinistres avec leurs fenêtres ouvertes sur le vide et l’incendie ! Plus de rues. Des montagnes de briques, de poutres et de verre pilé. Des flammes encore, ça et là, le crépitement du feu, des pluies de cendre et de braise, des bouffées de fumée suffocante. Une puanteur universelle de laine brulée, de bois carbonisé emplissait l’air. On extrayait des décombres, des blessés, des asphyxiés, des morts »…
et de décrire des survivants hagards, à demi-vêtus, le regard plein d’épouvante !
C’est aussi cela la guerre dont nous devons nous souvenir ! Ici, du début de l’occupation allemande le 13 octobre 1914 à l’entrée dans Wattrelos des troupes britanniques le 18 octobre 1918, les Wattrelosiens payèrent un lourd tribu. L’occupant instaura d’épouvantables mesures. Réquisition des productions agricoles, inflation délirante, usines démantelées, chômage dramatique, produits de première nécessité qui font défaut, pain et pommes de terre manquent. Les hivers sont exceptionnellement froids et meurtriers, alors que la population ne sait pas se chauffer. La misère, la pénurie sont là ; les habitants sont affamés, la dysenterie et la grippe espagnole font de terribles ravages, et déciment une population wattrelosienne qui survit dans les rafles et privations.
Ces années, Vandermeersch, toujours dans « Invasion 14 », les qualifiera de « 4 années d’angoisse, d’étouffement, d’agonie »…
Impossible de ne pas penser aux guerres d’aujourd’hui, quand on se remémore ce que furent celles d’hier, ce que fut la guerre 1914-1918.
La guerre, ce ne sont pas que des souvenirs d’histoire, malheureusement. Ce sont des images, des faits, des réalités, terribles, dramatiques, face auxquelles il ne faut jamais jamais cesser d’espérer. Ce doit être le message fort de ce jour !
Quelle que soit sa foi, sa religion, il ne faut jamais cesser de croire que demain peut être meilleur qu’aujourd’hui et surtout qu’hier, ne jamais cesser d’être femme ou homme de progrès, quitte parfois à passer pour utopiste, ne jamais renoncer à être un Bâtisseur d’avenir, un Constructeur de paix.
« Le paradis terrestre » doit-il n’être qu’un mythe d’inspiration religieuse, une référence spirituelle ? Ne peut-il pas, ne doit-il pas être pour chacun et pour tous un projet, une aspiration collective ? Une perspective qui galvaniserait toutes les énergies, toutes les nations, toutes les femmes et tous les hommes du monde ?
Une telle affirmation peut avoir une curieuse résonnance dans la bouche d’un maire républicain et profondément laïc. Mais justement, c’est que je crois à la République, à ses valeurs, aux valeurs de la République universelle, à la Fraternité.
Je veux croire à la paix pour tous. Je m’inscris dans la lignée des Aristide Briand et Jean Jaurès, qui furent mes lectures de jeunesse, et des lumières de notre République.
La République n’est pas égocentrique : on ne peut pas prôner la tranquillité publique dans chacun de nos quartiers, et laisser faire des massacres entre différents peuples. La Fraternité est un message universel, international, que ma vie durant je veux porter, parce que du plus profond de moi, j’y crois !
Oui, Mesdames et Messieurs, la guerre 1914-1918 est encore là. Près de chez nous, sur notre continent européen, ou à peine plus loin de l’autre côté de la Méditerranée.
Ne l’oublions pas, n’oublions jamais notre histoire, et donc nos responsabilités pour demain.
Au sortir de la 1ère guerre mondiale mon lointain prédécesseur, Henri Briffaut proclamait ici même dans ce cimetière que : « Notre devoir est de combattre l’esprit de guerre qui plane encore sur le monde ». Aujourd’hui, il dirait « notre devoir est de combattre les haines sous toutes leurs formes, le terrorisme abject, et l’antisémitisme », car ce sont là les moisissures qui gangrènent l’humanité même, et ce faisant la stabilité du monde, aujourd’hui comme ce le fut hier, avant-guerres !
Nous retrouver ce matin toutes et tous dans ce cimetière c’est rappeler le respect que nous devons à nos morts d’hier, à leur sacrifice, c’est rappeler que Wattrelos est fière d’eux, que notre ville s’incline avec émotion et reconnaissance devant leurs souffrances, et leur héroïsme.
Être ici ce matin c’est rappeler que nous n’oublions pas.
C’est rappeler qu’ici, dans nos cœurs et dans nos engagements personnels, nous voulons croire comme le poète Paul Eluard que :
« la nuit n’est jamais complète » /
qu’ « il y a toujours / au bout du chagrin /
une fenêtre ouverte, une fenêtre éclairée »
qu’ « il y a toujours un rêve qui veille /
une main tendue / une main ouverte /
une vie / la vie à se partager ».
Cette fenêtre, ce rêve, cette vie, cela s’appelle la paix ! Œuvrons-y sans relâche.
Vive la République, vive la France, vive Wattrelos, et que résonne de ce cimetière comme de toutes les cérémonies commémoratives de ce jour, un seul message : Assez la guerre, que vive enfin la paix !