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  • : Blog de dominique Baert
  • : Dominique Baert est maire de Wattrelos (Nord)
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18 avril 2022 1 18 /04 /avril /2022 08:43
Mon discours de la cérémonie des Jubilaires de Pâques le 18 avril 2022

Bien Chers Jubilaires,

Mesdames, Messieurs,

 

                  « Aimer, aimer, tout le reste n’est rien » : avec quelques mots simples, Jean de La Fontaine aura écrit une phrase parmi les plus belles, les plus fortes de la langue française, et si, en écho, je cite Alfred de Musset qui, lui, écrivit « Et vous aurez vécu, si vous avez aimé », j’aurai trouvé pour vous accueillir, Chers Jubilaires, les deux phrases qui vous vont le mieux.

 

                  A Wattrelos, dans « une ville au cœur qui bat », on aime qu’on s’aime ! Depuis 1952, 1957, 1962 ou 1972 qui furent l’année de votre mariage, sur une terre de labeur, ouvrière, industrielle comme la nôtre, nous savons tous que sur une telle durée il y eu des moments difficiles, des peines, des douleurs ; guerres de décolonisations, crises économiques, sociales, fermetures d’usines, problèmes de santé ont pu obscurcir parfois votre ciel. Des doutes, des découragements, ont pu çà et là exister, et c’est bien normal, c’est humain ! Mais après les nuages et les orages, l’horizon s’est dégagé, le bien être est revenu, vous avez poursuivi votre route. Comment avez-vous eu une telle force pour affronter les obstacles ? Par amour tout simplement…

 

                  Parce que vous savez que c’est LUI, parce que vous savez que c’est ELLE. Parce qu’il est votre chemin, parce qu’elle est votre force. Parce que votre cœur s’accélère quand l’autre est là, parce que le jour n’a plus de saveur et qu’il vous manque tant quand votre double n’est pas près de vous.

 

                  Parce que, comme l’écrivait Alfred de Musset « Je ne sais pas où va mon chemin mais je marche mieux quand ma main serre la tienne »…

 

                  Et vous marchez, et vous la serrez cette main, et cela dure depuis tant d’années !

 

                  C’est pour vous rendre hommage, à vous, à votre amour, à ces années passées, à ces obstacles franchis, à ce bonheur vécu, que cette cérémonie existe. Pour vous. Rien que vous vous.

          Par précaution sanitaire, cette cérémonie se déroule à nouveau au Centre socio-éducatif devenu Hôtel de Ville pour quelques heures. Mes services ont veillé à ce que néanmoins le décor pour vous accueillir soit aussi solennel que possible, et digne de vous. Je les en remercie chaleureusement : ils ont fait du beau travail.

 

          Avec mon équipe, je veux que cette journée pour vous soit magnifique.

 

          Magnifique, elle l’est pour moi, pour tout notre Conseil Municipal qui, par ma bouche, tient à vous exprimer mon profond respect et notre affection : par votre amour inaltérable, vous faites honneur à Wattrelos ! Cela vaut bien que notre ville vous fête.

 

          Magnifique, cette journée l’est aussi pour votre famille, vos enfants, vos amis, tous ceux qui vous aiment, tant ils ont envie, eux aussi, de vous dire leur affection et leurs congratulations : ils ont vécu avec vous beaucoup de choses, et votre amour, ils l’ont si souvent partagé que leur plaisir est grand de pouvoir aujourd’hui vous en féliciter.

 

          Mais cette journée, je le sais, est magnifique surtout pour vous, elle est la vôtre ! Vous y pensez depuis longtemps, pas simplement comme un cap à franchir, comme une reconnaissance. La reconnaissance que, comme le disait la sublime Michèle Morgan, « le bonheur existe. Il est dans l’amour ».

 

          Alors je vous propose que chacun de vos bonheurs je les retrace maintenant successivement, en commençant bien sûr par là où tout a commencé : l’année de votre mariage.

 

 

● Mesdames et Messieurs, Chers Collègues, évoquons donc d’abord bien sûr l’année 1952, avec surtout quelque chose d’exceptionnel dans la vie du maire que je suis et aussi dans la vie en général : c’est un couple exceptionnel que nous accueillons ! En effet, très Chère Arlette, très Cher Jean, c’est la 4ème fois qu’avec les élus municipaux je vous reçois pour vos Jubilaires : ce fut pour vos 50 ans, puis 60, puis 65 ans de mariage, et ce matin, vous qui avez bien connu et fréquenté mes parents, croyez-bien que c’est avec un infini bonheur que je vous accueille pour vos 70 ans de mariage !!!

 

C’est tant d’amour qu’une telle vie, un tel destin ! Vous êtes le seul couple à célébrer ce jour vos noces de platine, et nul doute que, Cher Jean, avec votre passé sportif, vous goûtez avec délectation votre première place conjugale sur le podium !

 

Chère Arlette, Cher Jean, c’est une belle histoire superbe que la vôtre, et nous vous admirons, je vous admire personnellement tant ! J’aurai tant aimé que mes parents, vos amis, m’offrent cette joie… Quelle aventure que votre vie !

 

En 1952, la situation internationale connait des soubresauts, notamment avec l’Union soviétique qui impose le rideau de fer en RDA et abat des avions de ligne européens, ou la nervosité des Etats-Unis avec la Chine et surtout la Corée qu’ils bombardent. Eisenhower est élu Président cet automne-là.

 

La France, où Edgar Faure est Président du Conseil, doit faire face à des attentats et tensions en Indochine, mais aussi en Tunisie et au Maroc. Dans un autre registre, Antoine Pinay lance son trop célèbre Emprunt d’Etat indexé sur l’or, et Renault ouvre son usine de Flins et y fabrique ses emblématiques « Frégate ». Autre caractéristique de cette année, il fait très chaud l’été 1952 !

 

Chers Jubilaires, vous aurez sans nul doute surtout retenu que l’année s’ouvre sur la mort du Roi d’Angleterre, George VI, et l’arrivée au trône d’une jeune reine Elisabeth II : son jubilé est le vôtre, vous qui avez aussi 70 ans de règne au royaume du Cœur !

 

Le sportif que vous êtes, Cher Jean, n’aura pas oublié les Jeux Olympiques d’Helsinki cette année-là, ni que Rik Van Steenbergen gagne le Paris-Roubaix dans un duel acharné avec Fausto Coppi, lequel prend sa revanche en gagnant le Tour de France !

 

Si cette année-là, à la télévision Jean Nohain lance ses « 36 chandelles », Fernandel tourne « Le petit monde de Don Camillo ». Au cinéma on passe des films avec des couples prometteurs, tels le sensuel « Le Plaisir » de Max Ophüls avec Gaby Morlay et Danielle Darrieux, l’inoubliable « Casque d’or » avec Serge Reggiani et Simone Signoret, « Le Train sifflera 3 fois » avec Gary Cooper et Grace Kelly, ou encore le fulgurant et séduisant « Fanfan la Tulipe » où Jean/Gérard Philippe vibre d’amour pour son Arlette/Gina Lollobrigida.

 

Si vos cœurs chavirent, les temps sont encore difficiles pour les wattrelosiens en 1952 : quêtes et manifestations de bienfaisance sont nombreuses, les rues sont encore souvent en terre, peu sont macadamisées et la ville souffre de nombreux vols… de vélos !

 

Mais le goût de la fête et de revivre après les années de guerre est aussi très présent : kermesse au Nouveau Laboureur, fêtes de la rue Gabriel Péri et élection du « maire de la commune libre », réjouissances champêtres à la Baillerie et aux Couteaux, fêtes du Plouys, marché aux fleurs, fête des écoles… C’est aussi l’âge d’or de la Bourle, avec en particulier les Sans souci du Nouveau Monde et les Boxeurs de Beaulieu de Marcel Buyck que, j’en suis sûr, vous avez bien connu Cher Jean ; des bourleux que le maire de l’époque Albert D’Hondt reçoit officiellement à l’Hôtel de Ville.

 

          Le Cardinal Liénart, lui, vient inaugurer l’école maternelle Sainte-Thérèse au Laboureur, et la Maison de l’Enfance reçoit la visite de Prince Louis Napoléon ! Au Sapin Vert, des habitants gagnent à la loterie nationale un gros lot de 800 000 francs.

 

          Tout cela, Chers jeunes époux, vous importe sans doute peu ; le gros lot c’est vous qui l’avez, et pour la vie ! Certes Arlette, vous n’avez certainement pas écouté ceux qui, comme Georges Brassens, vous prévenaient d’un « Gare au gorille » ; pour vous, comme pour Line Renaud, votre Jean, il est votre « P’tite folie », votre « petit grain de fantaisie », lui « qui bouleverse », lui « qui renverse »… mais que vous « aimez à la folie ». Il est « cet air qui vous obsède jour et nuit » que chante Edith Piaf, laquelle comme vous se marie cette année-là.

 

          C’est que la mélodie se fait romantique en 1952. Bien sûr, il y a Patachou qui vante « le bonheur d’avoir un mari bricoleur », il y a la môme Piaf qui avec son époux, Jacques Pills enregistre « Et ça gueule ça Madame » ; il y a même Pierre Dudan qui peut faire réfléchir un fiancé quand il interprète :

« Qui c’est qui t’aime comme un caniche / Moi… moi

Qui te fait des doux yeux de biche / Moi… moi

Qui c’est qui trime qui fait le ménage

Et quand tu lis te tourne les pages

Qui c’est qui bosse pendant la semaine

Même le dimanche quand tu te promènes »… évidemment « Moi… moi ».

 

          Tout un programme ! Mais cela ne vous décourage pas Cher Jean.

 

          Avec André Claveau, tel « un ver de terre / amoureux d’une étoile », vous lui offrez « Deux chaussons de satin blanc », vous lui promettez cette « Route fleurie » que chantent Georges Guétary, Annie Cordy et Bourvil ; vous lui expliquez avec Luis Mariano que « L’amour est un bouquet de violettes » et l’invitez à « cueillir ensemble ces fleurettes ».

 

          Mais surtout tous deux, vous partagez cette promesse de Lucienne Delyle :

« Tant que nous nous aimerons

Sur la route du bonheur

Deux étoiles brilleront

Pour éclairer nos deux cœurs

Tant que nous nous aimerons

Nous aurons toujours vingt ans »…

 

          Lucienne Delyle est aussi l’inoubliable interprète, joli symbole, de « Mon amant de Saint Jean » ! Vous voyez comme le monde est parfois bien fait.

 

          Chère Arlette, Cher Jean, du fond du cœur, très très bel anniversaire de 70 ans de mariage !

● Cinq ans plus tard, voilà l’année 1957 et deux couples que j’ai déjà aussi accueillis il y a 5 ans pour leurs noces de diamant, Gisèle et René, Nicole et Emile, et qui célèbrent cette fois leurs noces de palissandre, 65 ans de mariage ! Vous vous suivez avec Arlette et Jean ! Et ce n’est que du bonheur de vous retrouver tous ici réunis devant nous avec cinq ans de plus !

 

Je vous ai donc déjà rappelé ce que fut cette année 1957 où vous vous épousâtes, mais je vais le refaire ce matin.

 

1957, pour la jeunesse wattrelosienne, ce sont deux grands moments.

 

Le premier, c’est l’Algérie, une guerre qui ne dit pas encore son nom, qui de crise en crise fait tomber les gouvernements (celui de Guy Mollet tombera cet été-là), qui d’attentats en arrestations crée une terrible actualité, et surtout qui enrôle les jeunes hommes de longs mois pour aller combattre, les éloignant de leurs proches, et laissera sur les corps et dans les têtes des blessures qui ne cicatriseront jamais. En décembre, la France mobilise 400 000 hommes.

 

L’autre moment en 1957, davantage porteur d’espoir, est la création du Marché Commun à Rome ; 6 Etats-membres s’unissent pour développer les économies et consolider la paix : ils sont dorénavant 27 dans l’Union Européenne. Pas sûr que, tout jeunes et dans vos émois, Chers Jubilaires, vous ayez senti alors l’importance de ce qui se jouait là.

 

Vous avez peut-être été plus intéressés par le lancement du premier satellite Spoutnik, puis du premier animal dans l’espace, la chienne Laïka. Et vous avez sans doute vibré avec Jacques Anquetil qui gagne le Tour de France.

 

Peut-être avez-vous été touchés par les disparitions d’Humphrey Bogart, de Sacha Guitry, ou, Mesdames, de Christian Dior. A la télévision ce sont les premiers épisodes de « Zorro ». Au cinéma « Le Pont de la Rivière Kwaï » ou « Sissi face à son destin » vous divertissent, et « Et cas de malheur », avec Jean Gabin et Brigitte Bardot vous… comment dire… vous émeut.

 

A Wattrelos, en cette période, la population augmente rapidement, les écoles ne sont pas assez nombreuses, on compte plus de 40 élèves par classe, et la ville manque d’eau potable.

 

En avril, la ville achète « l’Hôtel du Carillon » à Wimereux pour accueillir des colonies de vacances. Mais surtout c’est la visite de celle que je citais tout à l’heure, la reine d’Angleterre Elisabeth II à la Lainière qui marquera les esprits.

 

Et aussi, fin mai, la mort d’un de mes prédécesseurs, Albert D’Hondt : élu au Conseil municipal en 1925, adjoint en 1935, il est maire depuis 1947 et meurt à à peine 68 ans. Jean Delvainquière est alors élu dans une atmosphère que la presse qualifie alors de « fiévreuse ».

 

Mais votre fièvre à vous, Gisèle et René, Nicole et Emile, n’a rien de politique. Elle est toute autre. Par respect pour vos rhumatismes d’aujourd’hui je n’évoquerai pas vos déhanchements d’alors sur les musiques de Bill Haley, Buddy Holly, Elvis Presley et Chuck Berry. Je ne crois pas davantage, Gisèle et Nicole, que vous partagiez la préoccupation de Coccinelle qui, alors, chantait :

« Je cherche un milliardaire,

Un type riche qui voudra bien de moi

Qui aurait pour bibi beaucoup d’égards »…

                   

          Et je ne pense pas, René et Emile – quoique – vous écoutiez ceux qui vous vantent « cigarettes, whisky et p’tites pépées », vous savez cette chanson qui vous promet « une blonde à mes lèvres, et l’autre dans mes bras ! »

 

          Heureusement, cette chanson a une morale puisqu’elle reconnait que « les p’tites pépées c’est fatal pour le cœur ».

 

          Eh non, vous êtes fleur bleue à l’époque, Chers Jubilaires. Ah Messieurs, vous n’êtes encore que des « Bambino », et comme Dalida, vos parents vous préviennent « Je sais bien que tu l’adores / et qu’elle a de jolis yeux / mais tu es trop jeune encore ».

 

          Trop jeunes ? Trop jeunes ? C’est mal connaître René et Emile ! Intrépides, ils attaquent,… il faut dire que Magali Noël les encourage :

« Fais-moi mal, Johnny

Envole-moi au ciel

Moi j’aime l’amour qui fait boum…

Et de préciser :

« Il m’a suivi jusqu’à ma piaule

Et j’ai crié, vas-y mon loup ! »

 

          Et si Louis Lafforgue vous vante les attraits de « Julie la Rousse », celle « dont les baisers font oublier », la chanson que fait chanter Jean Constantin à Zizi Jeanmaire « Mon truc en plumes » vous questionne. Qu’est-ce donc ? Un truc en plumes, c’est…

« C’est très malin,

Rien dans les mains

Tout dans le coup de rein »

« Ca vous caresse

Avec ivresse

Tout en finesse. »

 

          Et vos questions René et Emile se font pressantes quand la chanson se termine par « Viens mon brigand

Dormir dedans

C’est pas sorcier

Viens l’essayer ».

 

          Alors, c’est dit ! Avec de tels encouragements, je comprends que Gisèle et Nicole aient pu trouver avec Dalida que « Depuis toujours j’avais rêvé d’un ange / Mais avec toi, vraiment ça me change. »

          Mais à l’un et à l’autre, elle complétait : « Tu as des petits à côtés / qui m’obligent à te pardonner. »

 

          Et voilà que les couples se forment, qu’à deux vous entonnez avec Guy Béart « Qu’on est bien dans ces bras-là » ; avec le Père Duvan « Qu’est-ce que j’ai dans ma p’tite tête / A rêver comme ça le soir ». Et René et Emile, vous êtes convaincus comme Jean Bertola : « Dans tes draps blancs dès ton réveil / les yeux de ta femme sont comme des soleils. »

 

          Charles Aznavour vous donne un projet de vie : « Quand l’amour sur vous se penche / pour vous offrir des nuits blanches », alors Chers Jubilaires, 65 ans après, comme dit la chanson « Y’a plus rien à regretter. »

 

          Car l’un à l’autre, l’un pour l’autre, vous pourriez reprendre cette chanson de Gilbert Becaud : « Comme l’argile / comme l’insecte fragile / comme l’esclave docile / je t’appartiens... » Vous vous appartenez l’un l’autre, et maintenant vous le savez, ce sera pour toujours !

 

          Très Bon Anniversaire de palissandre, Gisèle et René, Nicole et Emile !

          ● L’année 1962 est celle du mariage de nos 8 couples qui, ce matin, fêtent leurs noces de diamant ! Ne nous y trompons pas, si l’année 1962 s’ouvre sur le lancement du paquebot France pour sa première croisière vers les Canaries, l’actualité loin d’être souriante est contrastée.

 

          Au niveau international, c’est tendu plus que jamais. Le projet d’installation de fusées soviétiques pointées vers les États-Unis suite à un accord entre Fidel Castro et Nikita Khrouchtchev, provoque « la crise de Cuba », qui a failli précipiter le monde dans une 3è guerre mondiale ! Depuis 1945, on n’en a jamais été si proche.

 

          En France, bien sûr, l’actualité majeure reste la crise algérienne, mais cette fois pour son dénouement. Après tant d’années de conflit, et alors même qu’aux attentats de l’OAS répondent des manifestations anti-OAS, les Accords d’Evian sont signés, et le cessez-le-feu ordonné par le général Ailleret le 19 mars 1962 sonne le repli. Le peuple français les approuve par référendum. Le service militaire passe de 26 à 24 puis à 18 mois. Les généraux Salan et Jouhaud sont arrêtés. Georges Pompidou devient Premier Ministre. Et si en Algérie des mois de terreur suivront encore, l’indépendance sera proclamée en juillet.

 

          Après cette guerre qui se termine enfin, d’autres soubresauts secouent le pays : le Général de Gaulle échappe de peu à un attentat au Petit-Clamart, l’Assemblée nationale est dissoute, la Cour militaire de Justice abolie, et un référendum acte l’élection du Président de la République au suffrage universel… que nous connaissons toujours.

          Tout cela ne fait pas une toile de fond apaisée pour nos jeunes tourtereaux qui apprendront aussi en 1962 les premiers essais atomiques de la France au Sahara, un tremblement de terre qui fait 20 000 morts en Iran, le crash à Orly du Boeing Atlanta-Paris, le suicide en août de Norma Jean dite Marylin Monroe ou la mort de l’ancien Président René Coty.

 

          Heureusement que cette année-là, en sport, les français raflent la mise. Le XV de France de rugby gagne le Tournoi des 5 Nations. Michel Jazy bat le record du monde du 3 000 mètres. Jacques Anquetil (encore lui) gagne son 3è Tour de France, après une âpre compétition avec Rik Von Looy et Raymond Poulidor ; et Jean Stablinski est champion du monde de cyclisme sur route.

 

          A la télévision c’est le premier jeu d’Intervilles, et surtout la première diffusion (qui durera jusqu’en 1976 !) de « Bonne nuit les petits »… mais ça ne devait pas être je crois, Chers Jubilaires, votre émission préférée.

 

          A Wattrelos, à la cérémonie des jubilaires il n’y a que 4 ménages reçus à l’Hôtel de Ville. Très rurale encore la ville connait en septembre une procession des moissons. On macadamise nombre de rues au Laboureur et autour de la rue Gabriel Péri, et on se plaint des problèmes de circulation et des bouchons dans le Centre-ville : ainsi, devant le Coin Fleuri d’aujourd’hui, Nord Eclair pointe à l’heure d’affluence 4 autos, 3 vélos et 6 mobylettes ! Aujourd’hui on en rirait, à l’époque on en râlait !

 

          En juillet, le Maire Jean Delvainquière annonce le lancement du projet de ZUP à Beaulieu, provoquant immédiatement des protestations et la création d’un Comité de défense.

 

          Les réfrigérateurs, les essoreuses, très prisés… sont les lots les plus courus dans les lotos et tombolas : le monde moderne de l’électroménager monte en puissance, et un nouveau supermarché s’installe au Laboureur dans l’ancien cinéma Métro. La vie associative, les petits bals et fêtes sont légion ; on aime s’amuser en 1962, et on aime le sport : le derby de l’US et du Sporting est un évènement qui réunit plus de 1 000 spectateurs ! Et, une belle nouvelle, le 21 décembre Wattrelos s’enrichit de sa première centenaire de l’après-guerre, Stéphanie Deprez : ce n’était plus arrivé depuis 1935 !

 

          Mais en 1962, vous les jeunes amoureux, vous avez d’autres pensées. Deux prénoms s’illustrent cette année-là : Lucky Blondo chante la jolie petite Sheila, ce qui donnera son nom de scène à une jeune vendeuse de bonbons, Annie Chancel ; et surtout sœur Sourire vante les mérites de « Dominique » (je ne la démentirai pas).

 

          Bon, votre amoureuse ne s’appelle pas Sheila, Messieurs, et Mesdames votre amoureux ne s’appelle pas Dominique, quelle importance ? Danny Boy (et ses pénitents) ne chante-t-il pas « Croque la pomme »… ? Tout un programme !

 

          Bien sûr Messieurs, vous entendez bien la nouvelle star Claude François vous dire qu’elles sont toutes « Belles, Belles, Belles », mais vous vous en connaissez une plus belle, LA plus belle de toutes ; et si Charles Aznavour vous exhorte « Il faut savoir », vous vous savez ! Il se passe quelque chose : c’est ce « premier amour » que chante Isabelle Aubret à l’Eurovision :

« De tous ces baisers qu’on s’est volés plus que donnés

Ces gestes innocents nous engageaient pour si longtemps »,

Et, comme elle le dit, « un premier amour ne s’oublie jamais ».

 

          L’un et l’autre, aujourd’hui encore, vous n’avez rien oublié ! Bien sûr, ce Richard Anthony qui entendait « siffler le train », Mesdames, ça vous donnait des envies, des idées de voyages, et vous rêviez déjà de voir ce « Mexicain basané » allongé au soleil de Marcel Amont, avec un sombrero sur le nez « en guise, en guise, en guise de parasol ». Oui, mais voilà qu’avec Pierre Perrin, votre chéri vous répond :

« Tout ça n’vaut pas

Un clair de lune à Maubeuge

Tout ça n’vaut pas

Le doux soleil de Tourcoing (coin-coin) ».

 

          Vous, Messieurs, aviez-vous vraiment les mêmes envies ? Ecoutiez-vous chastement Brigitte Bardot chanter « Sidonie », « Parce que pour elle être nue / Est son plus charmant vêtement ». Et aujourd’hui ne vous remémorez-vous pas cette chanson de Michel Simon :

« Tu t’en souviens de notre belle époque

C’était la première fois qu’on s’aimait pour de bon

Tu t’en souviens comme t’as fait des histoires

Pour me laisser cueillir la marguerite aux champs ? »

 

          Sage ou moins sage, vous êtes loin d’être ces « Vilaine fille, mauvais garçon » qu’elle chante par ailleurs, simplement deux amoureux qui montaient tous deux dans le « Chariot » de Petula Clark :

« Si tu veux de moi,

Pour t’accompagner au bout des jours

Laisse moi venir près de toi »…

Et vous, vous dites :

« nous nous en irons,

Du côté où l’on verra le jour

La plaine, la plaine

N’aura plus de frontière

La terre, la terre sera notre domaine »…

 

          Ce furent, Chers Jubilaires, vos « Tendres années », celles de « l’idole des jeunes » et des twists endiablés – que vos genoux d’aujourd’hui ne vous autorisent plus toujours – à St Tropez ou ailleurs, que vos chaussettes aient été noires ou non, vos chats sauvages ou plus calmes, ces années où, avec l’incontournable Johnny, vous avez retenu la nuit, pour vous « deux, jusqu’à la fin du monde », en n’espérant qu’une chose « qu’elle devienne éternelle », et pour le bonheur de vos deux coeurs vous avez arrêté « le temps et les heures ».

 

          Et pour clore ce retour à 1962, je vous rappelle Lény Escudero :

« Pour une amourette

Qui passait par là

J’ai perdu la tête

Et puis me voilà »…

 

          J’ajouterai surtout : Et puis vous voilà, 60 ans plus tard, toujours à deux !

 

          Très très bon anniversaire de diamant, Arlette et Gérald, Julienne et Jean-Claude, Anne-Marie et André, Thérèse et Henri, Jocelyne et René, Thérèse et Michel, Yvette et Francis, Nadine et Auguste !

L’année 1972 s’ouvre sur la disparition, le 1er janvier, de Maurice Chevalier, ce qui vous aura sans doute marqué chers jubilaires d’or. D’autres personnalités disparaitront cette année-là, telles l’ancien Président américain Harry Truman, l’ancien Roi d’Angleterre Edouard VIII, le roi amoureux qui quitta son trône pour l’amour d’une roturière, l’écrivain Jules Romains, ou encore les comédiens Pierre Brasseur et Raymond Souplex : la perruche a perdu son poulet !

 

          Sur le plan international, ça bouge cette année-là. Alors que les Etats-Unis sont empêtrés au Vietnam, dont ils décident le blocus, le Président Richard Nixon, qui sera réélu à l’automne, fait des gestes importants de détente en allant à Pékin rencontrer Mao en février, et à Moscou Léonid Brejnev en mai. Malheureusement ce que le monde retiendra de cette année 1972, c’est la sanglante tragédie des attentats terroristes contre les athlètes israéliens lors des Jeux Olympiques de Munich en septembre. Notre Région vivra, elle, l’assassinat de Brigitte Dewèvre et le début de la terrible affaire de Bruay, irrésolue depuis.

 

          L’Europe bouge cette année-là : le Royaume-Uni, l’Irlande, le Danemark et la Norvège posent leur candidature, et en France le référendum sur l’élargissement de l’Europe obtient 68 % de « oui ».

          Côté vie politique française, retenons la signature par le PS et le PC de leur Programme Commun, tandis qu’en juillet le Premier Ministre Jacques Chaban-Delmas est remplacé à Matignon par le légionnaire Pierre Messmer.

 

          Déjà on se préoccupe d’environnement : à Paris, en avril, 5000 cyclistes défilent contre la pollution et ce qu’ils appellent la civilisation de l’automobile, alors même que la Coccinelle est la voiture la plus vendue et que Renault lance la « R5 » et Peugeot la « 104 » ;

 

          En sports, l’Olympique de Marseille est Champion de France, tandis qu’enmené par Walter Spanghero, le 15 de France bat sévèrement l’Angleterre en rugby. En boxe, l’argentin Carlos Monzon reste Champion du Monde en battant le français Jean-Claude Bouttier. En cyclisme, Eddy Merckx gagne son 4ème Tour de France, devant Gimondi et Poulidor.

          Aux échecs, l’américain Fisher enlève le titre au russe Spassky. A la télévision, « le Mot le plus long » est remplacé par « des chiffres et des lettres » ,  se lance la 3ème chaine et on regarde les premiers épisodes de « Lassie » et des « gens de Mogador ».

 

          Mais les amoureux que vous êtes, Chers Jubilaires, auront surtout retenu comme un symbole le titre du film de Jean-Luc Godard, avec Yves Montand et Jane Fonda : « Tout va bien » !

 

          De fait, au cinéma, la tendance est à la détente ! Bien sûr il y a le dur « Orange Mécanique », mais on rit aussi avec « le Grand blond avec une chaussure noire », « la scoumoune », « Le viager », « L’aventure c’est l’aventure » ou « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil »… Vous adorez « Grease », elle est Olivia Newton-John, il est Travolta, si séduisant que vous ne craignez plus, Mesdames, « La fureur du Dragon ».

 

          En 1972, Wattrelos continue de mettre en place de nouveaux équipements publics. On annonce ainsi la construction d’une crèche en Centre-ville, on lance celle de la Maison des Jeunes de la Mousserie en évoquant le projet d’une autre à la Martinoire. S’annoncent aussi un nouveau foyer-logement au Mont-à-Leux et la création d’un espace vert de 20 hectares au Breuil, début de notre actuel Parc Urbain. L’Office Municipal des Sports est créé en février, la nouvelle maternelle Camus est ouverte, la 1ère pierre du groupe Brossolette est posée, car la population de la Zup de Beaulieu a besoin d’écoles !

 

          Déjà il y a des travaux de réfection à l’église St Maclou, tandis qu’à Roubaix on inaugure Roubaix 2000.

 

          Et, allusion personnelle (je le dis avec émotion), à l’époque jeune élève de 4ème au collège Zola, je joue ici même, sur cette scène du CSE, en juin 1972, ma première pièce de théâtre intitulée « Le client difficile »… Que c’est loin tout ça !

 

          Vous les amoureux de 1972, votre scène à vous, elle est ailleurs, une vie nouvelle se dessine dans vos cœurs. Et si, Mesdames, Véronique Sanson clame qu’elle n’a « Besoin de personne », ce n’est pas votre cas, vous Messieurs, vous ne voulez plus, comme les Martin Circus, vous « éclater au Sénégal avec une copine de cheval ! ». Fini tout cela…

 

          Au contraire, sur fond de mode à l’anglaise et de pat’d’ef qui s’affirment et de jupes qui raccourcissent, avec John Lennon vous lui susurrez « Imagine », tandis qu’avec C. Jérôme il ou elle vous répond « Kiss Me », avant de déguster du « Pop Corn » avec Anarchic System !

          1972, c’est l’année de belles déclarations et de l’engagement. Ah Messieurs, cette année-là, vous ne manquiez pas de chansons pour lui déclarer votre flamme. Avec Mike Brant, « C’est ma prière, entends ma voix », et pour les plus timides d’entre -vous : « Qui saura te dire, combien je t’aime »…

 

          Ou peut-être, plus déterminé encore étiez-vous Ringo, à proclamer « Elle, je ne veux qu’elle »… et pourquoi donc ? « Pour l’emporter, l’aimer et vivre ensemble ». Et pour la convaincre, vous lui dites qu’elle est « Trop fragile, trop belle pour rester seule », avant de conclure « Je ne conçois pas la vie sans toi »…

 

          Les plus romantiques, avec Alain Delorme et le groupe Crazy Horse auront affirmé qu’«Un jour sans toi /Est un jour de pluie », ou comme Christian Delagrange, que « Sans toi, je suis seul ». Les plus audacieux, avec Frédéric François, auront osé un « Je voudrais dormir près de toi / Etre là quand tu t’éveilles / Au premier rayon du soleil ».

 

          Avec tant d’arguments, Mesdames, avouez que c’était impossible de résister, et si Gérard Palaprat « Pour la fin du monde » invite à monter sur la montagne, vous vous préférez toutes Michel Polnareff qui vous chante qu’« On ira tous au Paradis ».

 

          Pas de problème pour nos jeunes couples de 1972, « L’aventura » peut commencer, celle que chantent Stone et Charden qui vous donnent aussi ce conseil « Laisse aller la musique ». La musique justement, celle du regretté Patrick Juvet, « La musica », qui « est le soleil d’un nouveau jour / Le son de sa voix qui chante à votre oreille ».

 

          De la musique, du bonheur et du soleil : tel est votre projet, votre envie, chers futurs époux : je ne sais lequel, plus insistant que l’autre, aura chanté comme Claude François « Viens à la maison, y’a le printemps qui chante », mais je suis sûr que tous deux vous avez aimé « Le lundi au soleil », voulu avec Pierre Perret « au mois d’août / mettre les bouts »… Pour vous deux, avec Stone et Charden, comme dans vos cœurs « Il y a du soleil sur la France / Et le reste n’a pas d’importance »…

 

          Eh oui, vous les 8 couples jubilaires d’or, comme vous l’espériez, et comme Michel Fugain vous le chantait alors, votre histoire ce fût « Un beau roman, une belle histoire », qui aura déjà duré 50 ans, et dont, j’en suis certain, vous écrirez encore bien des chapitres, nous vous le souhaitons de tout cœur ! Très belles noces d’or !

 

*

 

          Voilà, bien Chers Jubilaires, il va me falloir penser à conclure, avant de vous rendre à votre famille et à vos amis qui ont envie, évidemment de vous féliciter et de vous avoir pour eux. J’espère avoir réussi à vous faire revivre un peu vos jeunes et tendres années : au-delà des actualités internationales, françaises et locales, qu’avec le temps vous avez peut-être oubliés, je sais en revanche qu’il est quelque chose que même avec le temps on n’oublie pas : ce sont les refrains de notre coeur. Quand vous vous êtes rencontrés, « fréquentés » comme on dit, il y avait autour de vous des chansons, des mélodies qui auront accompagné, et peut-être rythmé, vos moments à deux, vos retrouvailles, vos épousailles. J’espère que parmi celles que j’ai citées, vous aurez retrouvé de ces moments-là !

 

          Vous avez fait du chemin ensemble, un long chemin. Il y eut des hivers bien sûr, quel couple n’en a pas connu ? Mais il y eut surtout des printemps et des étés à n’en plus finir, à vous aimer, à vous aimer encore et toujours.

 

          Et je suis convaincu que 50, 60, 65 ou 70 ans après, vous pensez toutes et tous comme le poète patoisant Frémicourt, que j’aime citer chaque année : « Ch’est un bonheur d’être avec s’compagnie et difficile à bin l’rimplachi »…

 

          Je sais que chacune et chacun, après toutes ces années à deux, au fond de vous, du plus profond de votre cœur, vous pensez la même chose que ce grand auteur que fut Jean d’Ormesson, lorsqu’il écrivit :

« Je t’aime dans le temps.

Je t’aimerai jusqu’au bout du temps.

Et quand le temps sera écoulé, alors je t’aurai aimée.

Et rien de cet amour, comme rien de ce qui a été,

ne pourra jamais être effacé ».

 

          Très belle journée, Chers Jubilaires, et vraiment continuez longtemps à être heureux à deux ! Très très bon anniversaire de mariage.

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