Non, je n’ai pas changé ! Je suis socialiste, je le reste, et le resterai ma vie durant !
Mais je suis pour le sérieux économique et le progrès social. Je ne suis pas pour un socialisme des illusions et du chaos.
Je suis pour qu’on dise la vérité aux Français. Je suis pour qu’on dise ce qu’on va faire, et qu’on fasse ce qu’on a dit.
Dans mes programmes municipaux, j’ai toujours veillé à présenter des programmes qui étaient réalistes, compatibles (lors de la rédaction du programme) avec les capacités financières de la commune ! Y compris dans mes programmes à la députation, lorsque je pensais que certaines propositions du candidat ne se feraient pas, ou qu’elles n’étaient pas réalistes politiquement ou économiquement, je ne les ai pas inscrites dans les documents que j’ai publiés et distribués.
Il faut parler vrai aux électeurs.
La gauche a, dans le passé, fait des erreurs dans les programmes qu’elle a présentés et sur lesquels elle a pu gagner des élections. Résultat, elle a déçu et n’a pas été réélue. Elle n’a d’ailleurs jamais été réélue au terme d’une législature où elle a dirigé le pays. Pourquoi ? Parce qu’elle aurait mal géré le pays ? Non, le cœur du problème, ce n’était pas cela ; c’était le ressenti, le décalage entre ce que certains électeurs, souvent les plus à gauche, avaient espéré du programme, et la réalisation du possible. On a vendu des illusions, et on a fait le réalisme du possible ! On le vit encore avec le quinquennat de François Hollande : sur le plan économique et social, un travail remarquable a été fait en profondeur ; les fondamentaux de l’économie française sont bien meilleurs dans la France de 2017 que dans celle de 2012 : la France est en bien meilleure assise financière et budgétaire. Entre 2012 et 2017, la France s’est renforcée.
Pourtant certains, à gauche, en veulent durement à la gauche gouvernementale, à celle qui a géré avec responsabilité. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont retenu que le slogan, « le changement c’est maintenant » : tout devait changer tout de suite pour eux, il aurait fallu redistribuer (ce qu’on n’avait pas), donner des nouveaux droits (qu’on ne savait pas financer), ne pas payer ses dettes (alors qu’elles explosaient), bref faire n’importe quoi alors que l’épée de Damoclès des déficits, des dettes laissées par l’équipe Sarkozy menaçait, avec l’œil vigilant de nos prêteurs internationaux, de jeter rapidement la France dans la situation de la Grèce !
En 2012, dans un programme qui n’était pas le sien, avec des thèmes d’un parti dont il n’avait pas assuré l’élaboration, récupérant un centre de gravité politique du parti socialiste qui n’était ni le sien, ni celui qui convenait à la situation de la France du moment, François Hollande a été élu sur une ambiguïté, sur cette part d’illusions qui étaient dans son programme dont certains font mine aujourd’hui de lui faire reproche.
Or, c’est là qu’est le ver dans le fruit du parti socialiste, celui de nos erreurs passées, de notre incapacité à être une gauche de Gouvernement durable, capable d’être réélue : aller aux élections sur des rêves intenables ou irréalisables, et susciter immanquablement la déception, et inexorablement à la fois, la défaite.
Va-t-on recommencer en 2017 les mêmes erreurs qu’en 1981 ou en 2012 ?
Aujourd’hui, avec une dette de 2 200 Mds €, avec 180 Mds € que la France emprunte chaque année sur les marchés financiers (et donc pour payer ses fonctionnaires !), avec une grande sensibilité de notre dette aux taux d’intérêt, on ne peut pas dire ni faire n’importe quoi ! Et c’est pour cela que je ne peux pas soutenir Benoît Hamon !
Comment peut-on oser vouloir faire campagne en proposant un revenu universel qui peut coûter entre 400 et 450 Mds € (plus que le Budget de l’Etat !), dire que l’on va supprimer le CICE et donc augmenter les charges des entreprises de 40 à 50 Mds €, vouloir baisser le temps de travail à 32 heures, taxer les robots et donc freiner la modernisation nécessaire de notre industrie et risquer d’accélérer la délocalisation des usines qui subsistent, réaccroître la dépense publique et la dette, pour ne parler que des questions économiques ?
Bien sûr, tout cela permet de se faire applaudir à la tribune, c’est sympathique, et cela permet même d’attirer des électeurs pour gagner une primaire, car qui peut ne pas avoir envie d’avoir plus de revenus, d’avoir un revenu de 800 euros pour tout le monde (surtout s’il est jeune, et qu’il doit bosser pour payer ses études), de donner « moins d’argent aux patrons », ou de travailler moins ? Si on a une sensibilité de gauche, on est séduit, et c’est bien normal !
Mais ce n’est pas raisonnable. Et ce n’est pas adapté à la France d’aujourd’hui.
La France d’aujourd’hui a une dette colossale – dont la progression a été heureusement stoppée par la gestion Hollande / Valls – doit lever des sommes colossales chaque année (près de la moitié du Budget de l’Etat pour se financer), et paie près de 43 Mds € de charges d’intérêt chaque année ! Ce n’est pas rien comme charge à supporter pour les Français ! A faire demain n’importe quoi, la gauche de Benoît Hamon veut-elle que les Français paient plus encore, souffrent davantage ? Le risque existe, et ne pas le voir, faire comme s’il n’existait pas est non seulement irréaliste mais irresponsable.
Dans le journal Les Echos, cette semaine, un article souligne déjà combien, depuis novembre, les taux d’intérêt ont augmenté ! Oh bien sûr, ce n’est pas la faute de Benoît Hamon, qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Non, il y a déjà une tendance à la remontée : mais elle s’accentue depuis ces dernières semaines avec un décrochage avec l’Allemagne : les taux d’intérêt (à 10 ans) ont augmenté de + 1 point en 3 mois en France (et seulement de + 0,3 point en Allemagne). La différence, c’est l’incertitude sur la politique économique française, sur la crédibilité de l’action que le nouveau Président demain mènerait.
Hamon n’échappe à pas à ce procès en réalisme et donc en crédibilité. Ne pas être crédible, c’est faire payer l’addition aux français si on est élu. Ainsi, toutes les belles promesses de Benoît Hamon butent sur une réalité : les intérêts de notre dette.
Déjà + 0,7 % d’augmentation en 3 mois ! Sait-on que si les taux payés augmentent de 1 %, en deux ans cela se traduit par + 4,3 Mds € d’intérêts supplémentaires à payer + 6,2 Mds € en 3 ans ? Et 1, 2 ou 3 % de taux d’intérêt payés en plus (par la prime de risque qu’exigeront les prêteurs), cela veut dire 4, 8, ou 12 Mds € de plus d’intérêts aux banques, et 4,8 ou 12 Mds € d’argent en moins pour les services publics demain, ou d’impôts en plus pour les Français !
Etre de gauche n’implique pas de ne pas être sérieux. La gauche a déjà géré le pays : entre 1981 et 1986, entre 1988 et 1993, de 1997 à 2002, et depuis 2012. Elle connaît les contraintes de la gestion. Dans aucune de ces périodes, elle n’a renoncé à réformer, et chaque septennat ou quinquennat de la gauche aura connu des réformes sociales significatives. C’est normal, c’est le rôle de la gauche de le faire, et elle le fait bien !
Voilà pourquoi je ne peux pas voter ni soutenir Hamon. Je ne veux pas brader les acquis de la gauche responsable et gestionnaire, pour me ranger dans les illusions d’une gauche incantatoire faiseuse de promesses mais incapable de les tenir.
Je suis profondément Jauréssien, idéaliste dans mon cœur et réaliste dans mes actes et dans mes votes. Député de Roubaix comme lui, je ne garde de Guesde que l’ardeur au combat et la fougue militante. Car je suis et reste militant socialiste au plus profond de moi-même. Un militant qui ne veut plus que son parti reproduise les mêmes erreurs qu’hier, car il a davantage confiance en la gauche pour gérer la vie quotidienne des Français, et se refuse à laisser la France et les Français, dont mes concitoyens, à la droite et à l’extrême-droite !