On me pardonnera le mot d'esprit mais c'est vrai : le projet de loi portant ouverture du mariage aux couples de même sexe m'aura valu, comme à beaucoup de députés, des séances de nuit très prolongées. Et même toute la journée de dimanche hier jusqu'à très tôt dans la nuit ce matin.
Ce texte, suivi spécifiquement par les députés de la commission des lois, est porté dans l'hémicycle avec talent par Christine Taubira, Garde des Sceaux, mais aussi par Dominique Bertinotti, ministre de la famille, et Alain Vidalies, ministre des relations avec le Parlement (cf. photo).
En toute franchise, ce projet de loi n’appartient pas aux dispositions du programme gouvernemental auxquelles je suis le plus attaché, ni auxquelles j’accorde la plus grande priorité. Pourquoi ? Tout simplement parce que si je suis député de la nation, je représente aussi ma population, et force m'est donnée de constater que pas un seul Wattrelosien ne m'a jamais saisi, ni n'est venu me demander cette loi. Mais je n'ignore pas que Wattrelos n'est pas la France et, de fait, bien d’autres collègues y sont en revanche plus sensibles. La réalité à laquelle ce texte se veut une réponse adaptée mérite cependant d’être partagée. Et elle se résume en trois remarques :
- Ce projet de loi de reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe s’inscrit dans un mouvement général dans le monde. Onze pays ont ainsi à ce jour légalisé le mariage homosexuel : les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, le Canada, l’Afrique du Sud, la Norvège, la Suède, le Portugal, l’Islande, l’Argentine, le Danemark, dix états des Etats-Unis et deux entités au Mexique. De même, l’adoption par un couple de même sexe est autorisée dans un certain nombre de pays, y compris là où n'est pas autorisé le mariage des couples de même sexe : Suède, Espagne, Belgique, Grande-Bretagne. Le Parlement européen a par ailleurs réitéré dans une résolution de 2003 sa demande « d’abolir toute forme de discrimination – législative ou de facto – dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfants ».
- La nature et la conception du mariagea significativement changé à travers les décennies et a su évoluer, en accompagnant les mutations de la société. S'il est un contrat, il est aussi une institution: la société est témoin de l'union et il institue des obligations.
- Aujourd’hui, il est sans doute temps de dépasser les insuffisances du PACS pour aller vers le mariage pour tous. La loi de 1999 créant le PACS a été une avancée indéniable que nul ne conteste plus désormais, y compris sur les bancs de l’opposition de droite qui l’a maintes fois répété dans nos débats actuels alors qu’elle avait mené à l’époque une bataille parlementaire rude. Pourtant, les sécurisations juridiques que le PACS a constituées pour tous les couples concernés ne répond plus suffisamment à la demande de reconnaissance des couples homosexuels qui souhaitent avoir la liberté de contracter mariage, cadre juridique bien plus protecteur pour la vie du couple.
C’est pour ces trois raisons que je le voterai. Sans que je sois un thuriféraire de ce projet de loi, ma conviction raisonnée est simple : ce texte ouvre des droits nouveaux à des personnes qui en étaient jusqu’à présent écartées, sans priver personne des droits dont il disposait antérieurement.
C’est le rôle de la loi d’être en adéquation avec la société qu’elle est censée réglementer et réguler. La France, sur ce sujet dont je peux bien comprendre qu’il soit perçu comme délicat, ne fait rien d’autre que rapprocher sa législation de celles d’autres pays européens (dont la pourtant très catholique Espagne). Ce faisant, la France se souvient aussi que dans sa devise républicaine figure le mot égalité !
Mais d'ici le vote, le marathon se poursuivra pour faire face aux 5 200 amendements de l'opposition. Encore quelques soirées et nuits…