Membre de la commission des finances, j’ai siégé lors des auditions que celle-ci a conduite pour faire la clarté sur les modalités de règlement qu’a choisies le Gouvernement du contentieux qui oppose le CDR (consortium de réalisation) à Bernard Tapie, et donc ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Tapie.
De nombreuses voix se sont élevées à l’époque pour s’interroger sur le recours à une procédure arbitrale qui a condamné le CDR à verser 285 millions d’euros à Bernard Tapie (dont 45 millions au titre du « préjudice moral » !). J’ai fait partie de ceux qui ont porté ce débat, car si déjà le recours à la notion de « préjudice moral » est choquante, le chiffre de la décision arbitrale est scandaleux. Surtout lorsqu’on sait qu’avant que le Gouvernement ne décide de recourir à cet arbitrage, la justice avait plutôt donné raison au CDR, c’est-à-dire à l’Etat !
Dès lors, recourir à un arbitrage qui, finalement, condamne l’Etat à verser 285 millions… cela ne donne-t-il pas la sensation d’un arrangement ? Surtout quand on sait comment les décisions ont été prises, avec des fonctionnaires qui n’ont jamais caché dans les auditions, avoir été aux ordres de leur ministre, Madame Lagarde ?
Certes, en décembre 2010, la Cour administrative d’appel a rejeté un recours demandant l’annulation de l’arbitrage. Mais, depuis, en février dernier, la Cour des comptes a, dans un référé : souligné que la procédure de recours à l’arbitrage n’était pas juridiquement juste, d’autant qu’elle s’est déroulée sans que le Parlement ne soit saisi préalablement ; pointé des irrégularités (rappelant ainsi que la version signée du compromis d’arbitrage limitait la demande d’indemnisation à 50 millions d’euros !) ; engagé la responsabilité de deux fonctionnaires en décision devant la cour de discipline budgétaire.
Et cela devrait s’arrêter là ? Cela n’est pas acceptable. Les décisions qui ont été prises sont politiques. La responsabilité est politique, donc gouvernementale.
Voilà pourquoi, cette semaine, avec huit autres députés socialistes (dont Jean-Marc Ayrault, président du groupe, Henri Emmanuelli, Michel Sapin) nous avons décidé d’écrire à Jean-Yves Nadal, procureur général, pour saisir la Haute cour de Justice sur les décisions prises par la ministre de l’économie et des finances. Car des questions lourdes se posent, et les conséquences financières que les réponses du Gouvernement y ont apportées le sont également.
Pourquoi la ministre de l’économie et des finances Christine Lagarde a-t-elle choisi d’abandonner la procédure judiciaire normale et la défense qu’y observait le CDR ?
Pourquoi a-t-elle imposé la solution arbitrale et reconnu la responsabilité du CDR vis-à-vis de M. Tapie ?
Pourquoi a-t-elle accepté le montant des indemnités, exorbitant dans ce type de conflit entre l’Etat et un particulier ?
Pourquoi n’a-t-elle pas saisi le Parlement comme la loi le lui imposait ?
Parlementaire de la nation, en responsabilité, je pense que la nation doit obtenir la vérité. Voilà pourquoi j’ai signé !
Car vraiment, 285 millions € à B. Tapie, non, vraiment, ça ne passe pas !
Pour lire la lettre de la saisine de la Haute cour de Justice, cliquez ici.
Pour lire mon interview à La Voix du Nord, cliquez ici.