Ce matin, debout à 5 h 10 pour être à la réunion du Parlement à Versailles. Les bus partent de l’Assemblée à partir de 9 heures et le début de la réunion du Congrès a lieu à 10 h 30. La séance de ce matin a pour objectif la modification du règlement du Congrès, laquelle va être examinée (pendant l’heure du déjeuner !) par le Conseil constitutionnel qui la validera – le contraire serait surprenant ! – car cette modification est nécessaire pour… que le Président de la République puisse s’exprimer cet après-midi (à 15 heures) dans l’hémicycle !
Ce matin, c’est donc une séance de forme en quelque sorte… pour préparer celle de cet après-midi.
En fait, cette séance est expédiée : 4 orateurs, 5 minutes chacun, un vote à main levée et la messe est dite ! A moins de 11 h, tout est fini ! Se lever si tôt pour ça, j’enragerais presque…
Mais le pire n’est pas la forme. Mais le fond : le fait que le Parlement soit convoqué pour écouter le Président de la République, qui arrivera à 15 heures et repartira immédiatement après la fin de son discours. Comme le dit Jean-Marc AYRAULT dans son intervention, au nom du groupe socialiste, les parlementaires seront " un élément du décor ". « Le Président ne vient pas pour un dialogue avec nous, mais pour parler au-dessus de nous ».
Notre régime constitutionnel est devenu très paradoxal : il n’est ni parlementaire ni même présidentiel (puisqu’en France, le Président a le pouvoir de dissolution par exemple !). D’ailleurs, dans un régime présidentiel, comme celui des Etats-Unis, quand le Président va parler devant le Congrès, il ne le convoque pas, il se rend à son invitation ! Ce n’est pas le cas dans la France de Nicolas Sarkozy.
Ici, le Président s’exprime devant l’Assemblée qu’il convoque, qu’il a le pouvoir de dissoudre et n’a à se soumettre ni à un vote ni même à un débat !
Comme le souligne Jean-Marc AYRAULT, « ce jour est le symptôme de l’effacement du Parlement ». D’ailleurs – est-ce une facétie des services du Château de Versailles – mais sur tous les fonds d’écran sur les téléviseurs dans les couloirs, c’est une représentation du XVIIIe siècle du Roi s’exprimant devant les Etats Généraux qui a été mise : tout un symbole !
Car c’est en effet dans la période monarchique que nous pourrons trouver, dans son histoire constitutionnelle, des références comparables à ce qui va se passer tout à l’heure.
La méthode fait incontestablement penser au « bon plaisir » du souverain. Bien des députés de droite (même si, plus tard, ils feront une standing ovation à Nicolas Sarkozy) le reconnaissent mezzo voce, et ne sont pas très à l’aise. Ce jour est le symbole de l’égoprésidence et d’une vassalisation du Parlement.
Voilà pourquoi, puisque tout est symbole, les députés et sénateurs socialistes en rappellent un autre en se retrouvant à 12 h 30 devant la salle du Jeu de Paume à Versailles, à quelques centaines de mètres du château… là où, en juin 1789, les députés du Tiers-Etat ont refusé de se soumettre au roi de France. J’y suis. Car vraiment, le changement de régime non avoué que connaît la France est préoccupant et doit être dénoncé.